Non, les couleurs de la chape de l’archevêque de Paris ne font pas référence aux francs-maçons
Autrice : Lili Pillot, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Jeanne Boyer, étudiante en journalisme à l’école W
Source : Compte Facebook, le 8 décembre 2024
Lors de la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris, la tenue de l’archevêque a beaucoup fait réagir. Pour certains, il ne fait aucun doute, elle faisait directement référence à un organisme maçonnique. Sauf que les couleurs utilisées sont aussi des couleurs liturgiques de l’Église catholique, comme le confirme le styliste de la tenue.
Certains, sur le ton de la rigolade, l’ont comparé au jeu de société Uno. D’autres, sur un ton beaucoup plus sérieux, y ont vu une énième preuve de l’influence de la franc-maçonnerie dans le projet de rénovation de Notre-Dame.
À la fois jaune, verte, bleue et rouge, la chape de l’archevêque de Paris, qui a procédé à la réouverture officielle de la cathédrale de Notre-Dame de Paris le samedi 7 décembre 2024, a fait l’objet de tous les regards. « Ce ne sont ni les couleurs de Google, ni celles de Lidl, ce sont les couleurs de l’Ordre de l’étoile orientale, assure un internaute sur Facebook. Ces couleurs sont du JAMAIS vu dans l’Église ! », ajoute-t-il, sûr de lui.
Pourtant, avant même que cette référence à la franc-maçonnerie ne fasse irruption dans le débat, le styliste de la tenue expliquait l’utilisation de ces couleurs par des références liturgiques.
Le bleu, le rouge, le jaune et le vert sont des couleurs régulièrement utilisées par l’Église catholique — qui ont par ailleurs potentiellement inspiré les francs-maçons lors de la création de l’emblème de l’Ordre de l’étoile orientale, « une organisation paramaçonnique ouverte aux hommes et aux femmes », d’origine états-unienne, décrit le site web franc-maçon Nos colonnes.
Couleurs primaires, couleurs liturgiques
Le 6 décembre dernier, la veille de la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris, le créateur des vêtements élaborés pour l’occasion, Jean-Charles de Castelbajac, expliquait ses choix artistiques à Franceinfo.
« Ces couleurs m’ont accompagné toute ma vie. Mais ce sont aussi les couleurs du temps liturgique : le rouge du sang du Christ, le vert de l’espérance, le bleu symbolise l’eau ainsi que le jaune et l’or pour la puissance et la gloire du Christ. C’est un langage universel », développe-t-il.
Une référence qui vient contredire une première fois l’affirmation selon laquelle ces couleurs seraient « du jamais vu » dans l’Église. Effectivement, au sein du monde catholique et plus largement chrétien, l’utilisation du bleu, du rouge, du vert et du jaune n’est pas nouvelle.
L’historien spécialiste des couleurs Michel Pastoureau explique dans son ouvrage L’Église et la couleur, des origines à la Réforme comment ces quatre couleurs primaires font partie de l’histoire de la religion chrétienne.
« À partir du IXe siècle, le luxe, l’or, les couleurs brillantes et saturées font leur entrée dans le vestiaire et les étoffes cultuels. Ce mouvement de grande ampleur s’accompagne de la compilation de plusieurs traités spéculatifs sur la symbolique de ces vêtements et de ces étoffes, traités dans lesquels il est parfois fait mention des couleurs. Elles sont en général au nombre de huit (blanc, rouge, noir, vert, jaune, brun, bleu et pourpre). »
Dans le même livre, il développe à quoi est associé chacune de ces couleurs (note 34, page 221). « Le rouge pour celles [les fêtes, ndlr] de l’Esprit, de la Croix, des martyrs et du Précieux Sang. […] Le vert pour les jours n’ayant pas de couleur particulière. […] L’usage du bleu est propre à quelques diocèses pour de rares fêtes locales de la Vierge. »
Références bibliques dans la franc-maçonnerie
La chape de l’archevêque de Paris n’est donc pas une référence à l’Ordre de l’étoile orientale, mais plus simplement un rappel à certaines couleurs liturgiques, bien plus anciennes que cet organisme franc-maçon, créé en 1850.
Se pourrait-il même que les couleurs de l’Église aient inspiré le blason de l’Ordre de l’étoile orientale ? L’hypothèse est envisageable.
Sur le site web de cette branche de la franc-maçonnerie, l’explication derrière les couleurs de l’étoile représentant l’Ordre de l’étoile orientale mélange plusieurs références bibliques, hébraïques et chrétiennes.
C’est notamment le cas pour le vert et le rouge.« [La quatrième branche, ndlr] associée à la couleur verte et symbolisée par une colonne brisée, […] représente la Sœur, la foi et l’espérance. [La cinquième branche, ndlr] associée à la couleur rouge et symbolisée par une coupe, […] représente la Mère, l’amour et l’hospitalité. »
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