Non, le policier placé en détention provisoire pour avoir tué un homme n’est pas mort en prison
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste
Source : Compte X, le 28 octobre 2025
Contrairement aux affirmations, un policier, qui a été mis en examen et est toujours en détention provisoire pour avoir tué un homme de nationalité algérienne qui se serait introduit chez sa grand-mère, est toujours vivant. Le titre d’un journal utilisant une citation ambigüe a trompé plusieurs internautes.
Savoir bien titrer son article est un art : il faut qu’il soit informatif, mais court, pertinent mais accrocheur. Et surtout, il ne faut pas qu’il soit trompeur. Selon certaines études, plus de la moitié des personnes qui partagent des articles sur les réseaux sociaux n’en ont lu que le titre. Autrement dit, si le titre n’est pas assez clair, la désinformation peut se répandre alors même que le corps de l’article, lui, rectifiait le tir.
C’est ce qu’il s’est passé avec un article dont le titre a pu laisser croire qu’un policier, ayant tiré sur un homme alors qu’il était en civil, était décédé en prison et que de nombreux internautes ont partagé un peu vite. « Le policier Eric G. est mort en détention provisoire aujourd’hui, 28 octobre 2025, à la maison d’arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis) », écrit un internaute sur X.
Sauf que l’homme est toujours vivant, il s’agit d’une lecture trop rapide du titre d’un journal.
Le récit d’une nuit mortelle…
Le journal Le Figaro s’est fait l’écho, ce 28 octobre 2025, dans sa version numérique, du maintien en détention provisoire d’un policier, Eric G., et du récit de ce dernier des raisons pour lesquelles il est mis en examen.
En juin 2024, le jeune policier hors service avait tué Amar Slimani, un homme de 32 ans de nationalité algérienne. Eric G. explique avoir été appelé par sa grand-mère pour des bruits dans un garage au fond du jardin dans lequel il dit avoir trouvé Amar Slimani dormir. Dans le récit qu’il en fait rapporté par Le Figaro, il y aurait eu une confrontation entre les deux hommes, et le policier aurait tiré plusieurs coups (six ou sept selon les articles) avec son arme de service qu’il avait prise avec lui. Amar Slimani est touché et meurt à l’arrivée des secours.
S’il plaide la légitime défense, depuis quinze mois, le policier reste en détention provisoire et chacune de ses demandes de mise en liberté a été refusée par le juge des libertés et de la détention. Aussi, l’article du Figaro du 28 octobre 2025 s’inscrivait dans la logique d’explication de ces demandes refusées.
…et d’une citation qui a lancé la confusion
Dans ce cadre, le journal rapporte la parole du policier à travers les témoignages de ses proches et de son avocat. Ce dernier est interviewé sur l’état d’esprit du policier en prison. « Dans sa cellule de la maison d’arrêt de Villepinte, Éric, lui, ne comprend toujours pas ce qui lui arrive. ‘Il est important de parler de lui, de le faire exister et de dire qu’il s’appelle Éric et qu’il meurt en prison’ , insiste son avocat », a écrit le journal.
Cette citation de l’avocat du policier est si marquante, bien que figurée et non pas littérale, que le journal décide de l’intégrer au titre. Lorsqu’il paraît le 28 octobre, l’article se nomme donc : « Récit : ‘Il meurt en prison’ : un policier maintenu en détention provisoire pour des tirs mortels sur un squatteur sans papiers ». L’article est publié sur les réseaux sociaux avec ce titre, comme en témoignent les publications sur X. L’information est reprise par des internautes qui n’ont visiblement lu que la moitié du titre et certainement pas l’article en entier pour indiquer que le policier était décédé.
Jean Messiha, un polémiste d’extrême droite, a, lui aussi, partagé cette mauvaise information avec un tweet : « MORT D’UN POLICIER : UNE HONTE », avant de modifier son message : « INCARCÉRATION D’UN POLICIER : UNE HONTE », comme le montre l’historique de modification de son tweet.
Le lendemain de la publication, le journal met à jour son titre, comme le montre la note de mise à jour en bas de la page : « Mise à jour : 2025-10-29 16:47 UTC +01:00 ». Le nouveau titre visible est « Un policier maintenu en détention provisoire pour des tirs mortels sur un squatteur sans papiers », mais le titre original est toujours visible dans l’URL du papier : « https://www.lefigaro.fr/faits-divers/il-meurt-en-prison-un-policier-maintenu-en-detention-provisoire-pour-des-tirs-mortels-sur-un-squatteur-sans-papiers-20251028 ».
Si le média a modifié le titre, l’information déformée, elle, a fait son chemin sur les réseaux sociaux. De l’utilité de bien lire les articles jusqu’au bout.
