Non, le fascisme et le nazisme n’étaient pas des dictatures socialistes
Dernière modification : 8 juillet 2024
Autrice : Maylis Ygrand, étudiante à l’École publique de journalisme de Tours
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Gladys Costes, étudiante en licence de Science politique à Lille
Source : Compte Facebook, 1er juillet 2024
S’appuyant sur une citation d’un grand économiste austro-américain, certains internautes affirment que le fascisme aurait une origine socialiste. Une manière de décrédibiliser l’alliance du Nouveau Front Populaire, qui ne repose sur aucune réalité historique.
Et toc ! Retour à l’envoyeur. Alors que le Nouveau Front populaire (NFP) a unanimement appelé à faire barrage à l’extrême droite — qu’elle accuse de menacer l’État de droit et la démocratie — certains internautes estiment, à l’inverse, que le danger vient du NFP lui-même.
C’est ce qu’insinue un internaute sur Facebook, le 1ᵉʳ juillet 2024, en postant une citation tirée d’un ouvrage de l’économiste austro-américain Ludwig von Mises (1881-1973) “Le Socialisme : Étude Économique et Sociologique”, publié en 1938 : “Il est important de comprendre que le fascisme et le nazisme étaient des dictatures socialistes”.
En d’autres termes, une éventuelle arrivée au pouvoir de l’alliance de gauche serait plus dangereuse pour nos libertés fondamentales que si le Rassemblement national prenait les commandes de Matignon. Preuve historique à l’appui.
Alors que le compte à rebours est lancé pour le second tour de ces élections législatives anticipées, prenons garde à ne pas tout confondre. Les Surligneurs ont donc contacté plusieurs experts pour nous plonger dans les origines du fascisme.
Une bulle libérale
Tout d’abord, prenons le temps de définir les termes et replacer la citation de l’économiste Ludwig von Mises dans son contexte. Selon Nicolas Patin, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Bordeaux Montaigne, spécialiste de l’histoire du nazisme, le socialisme est “une idée politique puis un mouvement des partis politiques qui, face aux inégalités de propriété du monde industriel, propose ou impose la socialisation des moyens de production”.
Or, lorsque Ludwig von Mises commence ses travaux, avant les années 40, le système dominant est libéral, comme l’explique Olivier Forlin, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Grenoble Alpes, qui a travaillé sur le fascisme : “Il a vu ces régimes fascistes en Italie puis nazi en Allemagne commencer à faire intervenir l’État dans les économies”.
Et ni une, ni deux, le lien avec le socialisme était fait : “Les gens qui se situent dans les courants libéraux, ultra-libéraux, néo-libéraux ont fait la critique du socialisme en considérant que le socialisme et le fascisme procédaient d’une sorte de même souche étatiste”, explicite Ugo Palheta, sociologue et spécialiste des extrêmes droites et du fascisme.
Nazi pour nationaliste-socialiste, vraiment ?
Maintenant que les éléments sont replacés dans leur contexte, vérifions la véracité de la déclaration de l’économiste austro-américain. Le fascisme italien et le nazisme allemand étaient-ils des dictatures socialistes ? Après tout, “Nazi” est la contraction de Nationalsozialismus (national-socialisme en allemand).
Sauf qu’à l’époque, selon Nicolas Patin, l’utilisation du terme socialisme dans la bouche des nazis“est une sorte de vernis qui vise à attirer les électeurs ouvriers”. De fait, arrivé au pouvoir en 1933, le gouvernement allemand “interdit le parti communiste”, rappelle-le maître de conférence en histoire contemporaine, “les militants du parti social-démocrate et du parti communiste sont enfermés, torturés, assassinés.”
Et pour les plus dubitatifs, Ugo Palheta rappelle que les nazis “ont détruit les syndicats et ont permis aux patrons d’exercer leur domination sans aucune forme de résistance organisée en face”. Rien de bien socialiste en somme. “Ils n’ont jamais remis en cause la grande propriété privée, les moyens de productions qui était le cœur du projet socialiste depuis le XIXe siècle”, abonde-t-il.
Le passé socialiste de Benito Mussolini
Du côté du fascisme italien, le parcours politique de Benito Mussolini peut, à première vue, semer le doute : “C’était l’un des principaux dirigeants du Parti socialiste italien”, expose Olivier Forlin. “Mais pendant la Première Guerre mondiale, il est pour la guerre alors que les socialistes sont contre, il rompt complètement avec le Parti socialiste italien en défendant le nationalisme contre l’internationalisme prôné par la gauche”, complète Johann Chapoutot, historien et spécialiste du nazisme.
D’ailleurs, lorsqu’il arrive au pouvoir, en 1922, Benito Mussolini n’est plus socialiste depuis plusieurs années. Le fascisme et le nazisme étaient donc bien “des dictatures, oui, socialistes, non”, tance Olivier Forlin.
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