Crédit : Sasin Tipchai

Non, la transition de genre n’est (toujours) pas gratuite

Création : 23 octobre 2024

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 17 octobre 2024

Sur le plateau de TV Libertés le 16 octobre 2024, un invité affirme que “pour changer de sexe, on […] donne des sous et c’est gratuit”. Si, en théorie, le parcours de soins d’une transition de genre peut être pris en charge par la Sécurité sociale, dans les faits, bien souvent, le ou la patiente doit, en partie, payer de sa poche.

“Je dois payer 16 000 euros pour refaire mes neuf dents, mais pour changer de sexe, on me donne des sous et c’est gratuit”, s’insurge Bassem Braïki, influenceur et ancien rappeur, sur le plateau de TV Libertés.

Lors de l’émission “Bistro Libertés de la web TV d’extrême droite du 16 octobre 2024, plusieurs invités ont remis en question la légitimité d’un remboursement des frais médicaux du parcours de soins pour une transition de genre.

Interrogé par Éric Morillot sur les transitions de genre, Bassem Braïki répond : “Ils font ce qu’ils veulent, les gens. Ils veulent devenir des femmes ou un poteau …”. “Oui, mais pas aux frais de l’État. Et ça, c’est un problème”, renchérit Erga, chanteuse militante qui se décrit comme menant “un combat méta-politique et culturel contre la bien-pensance et l’idéologie woke”. S’ensuit l’affirmation de Bassem Braïki sur la supposée gratuité du parcours de soins, par rapport à ses frais dentaires. Une comparaison douteuse qui ne date d’ailleurs pas d’hier.

Mais est-ce véritablement le cas ? Aux Surligneurs, nous nous étions déjà posés la question : est-ce qu’une transition de genre coûte véritablement 100 000 euros, entièrement remboursés par la Sécurité sociale ? Il s’avère que, dans les faits, ces soins ne sont pas toujours complètement couverts par l’Assurance maladie.

Vive la complémentaire santé

Théoriquement, les frais médicaux liés à la transidentité sont pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie s’ils sont prescrits par un médecin et peuvent être facilités grâce à la reconnaissance d’une affection longue durée (ALD), selon le site de l’association Chrysalide.

Mais bénéficier d’une ALD est un processus long et complexe qui nécessite de rencontrer plusieurs spécialistes et que la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) accepte le dossier. Il n’est donc pas rare qu’un ou une patiente entame un parcours de soins pour transitionner en dehors d’une ALD.

Surtout, comme le précise le site de l’association Chrysalide, “l’ALD ne permet […] pas de bénéficier d’un remboursement des dépassements d’honoraires, qui ne sont pris en charge que par les mutuelles”. À noter qu’entre 2003 et 2022, la proportion de spécialistes conventionnés en secteur 2, donc avec une partie des honoraires non pris en charge par la Sécurité sociale, a constamment augmenté, enregistrant une hausse de près de 20 points. En 2022, les médecins spécialistes conventionnés secteur 2 représentaient 57,4 % des praticiens.

En clair, que vous entamiez une transition de genre dans le cadre d’une ALD ou non, vous êtes plus susceptible d’être entièrement couvert si vous avez une mutuelle complémentaire. Les frais remboursés par la Sécurité sociale étant très souvent insuffisants.

La complexité du parcours

Au-delà du risque des dépassements d’honoraires, le parcours de soins pour la transition peut se révéler très complexe et générer des frais à la charge du patient, y compris parfois judiciaires.

En effet, les cas de refus de remboursement de certains actes médicaux par les Caisses primaires d’assurance maladies (CPAM) existent. En 2022, la CPAM de Roubaix-Tourcoing avait été condamné pour discrimination envers une personne transgenre. Par trois fois, l’organisme avait refusé le remboursement d’une mammoplastie à la patiente pourtant couverte par une ALD.

A priori, ces situations de refus sont toujours d’actualité. En début d’année, selon Mediapart, la Caisse nationale d’assurance maladie et plusieurs CPAM ont été mises en cause pour refus de prise en charge des soins dans huit recours individuels.

Pour éviter de telles situations, certaines personnes choisissent de transitionner médicalement en dehors de l’hôpital public et à leurs frais. D’autant plus que souvent dans ce genre de situations, la notion d’urgence peut être déterminante. “La plupart de ces opérations se font en parcours privé. Dans le parcours public, les délais peuvent être de sept ans d’attente”, nous indiquait Maud Royer, présidente de l’association féministe Toutes des femmes, en juin dernier.

Si de prime abord, le parcours de soins pour transitionner peut être remboursé par la Sécurité sociale, ce constat est à nuancer. Outre la question de l’acceptation du dossier du patient par la CPAM, des frais supplémentaires à la charge du patient s’ajoutent régulièrement et peuvent exploser si la personne fait le choix d’un parcours de soins dans le privé.

 

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