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Crédit : Marc-Lautenbacher - CC BY-SA 4.0

Non, la quantité de CO2 produite par l’Homme n’est pas négligeable

Création : 17 juillet 2025

Auteur : Jean-Baptiste Breen, étudiant en master de journalisme à Sciences Po Paris

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clarisse Le Naour, double cursus L3 science politique et L3 droit public à l’université Lumière Lyon II

 

Source : Compte X, le 6 juillet 2025

Des internautes minimisent l’impact des activités humaines sur le réchauffement climatique en comparant le taux, en apparence dérisoire, d’émissions de CO2 des humains et celui produit de façon « naturelle ».

 

Une désinformation fréquemment recyclée. À en croire de nombreuses publications sur les réseaux sociaux (ici, ici ou encore ), l’Homme ne serait responsable que d’une infime portion des émissions de CO2 : « seulement 3% », assène un internaute. Autrement dit, sa responsabilité dans le réchauffement climatique serait à l’image de ce taux : minime et insignifiante.

Qui plus est, le CO2 serait lui-même inoffensif car très peu présent dans l’atmosphère. « Le CO2 représente seulement 0,04 % de l’atmosphère. Et celui que produisent les humains ? À peine 0,002 », raconte un autoproclamé conférencier en développement personnel.

« Ramener les émissions humaines à zéro ne changerait strictement rien puisque ce serait changer simplement deux millièmes de pourcent du volume de l’atmosphère qui contribue à la chaleur que nous expérimentons aujourd’hui », poursuit-il en niant également un effet réchauffant du CO2.

Déjà démenti, il y a deux ans, par nos confrères de l’AFP, de FranceInfo ou de TF1, cette infox à la peau dure. Car sur le papier, ce chiffre est plutôt correct… mais gare aux confusions. Constamment mis au service de discours visant à nier l’influence de l’Homme sur le réchauffement climatique, ce taux d’émission de CO2, en apparence très faible, n’est compensé par aucun phénomène d’absorption et s’accumule petit à petit dans l’atmosphère… avec des conséquences désastreuses.

L’Homme perturbe le cycle de carbone…

« Cette désinformation est basée sur une confusion entre les émissions brutes [quantités de CO2 expulsées, ndlr] et les émissions nettes de CO2 [quantités de CO2 expulsées tout en prenant en compte les phénomènes de captation, ndlr] », résume Gerhard Krinner, directeur de recherche CNRS à l’Institut des géosciences de l’environnement de Grenoble.

Pour faire simple, le cycle naturel du carbone est régi par des échanges entre « la végétation et l’atmosphère d’un côté, et l’océan et l’atmosphère de l’autre, poursuit le géologue. Ils sont de l’ordre de la centaine de milliards de tonnes par an chacun ». L’océan et la végétation combinés rejettent 200 milliards de tonnes de carbone [1 tonne de carbone = 3,67 tonnes de dioxyde de carbone] chaque année dans l’atmosphère.

Mais ces émissions « sont compensées par des flux naturels d’absorption », insiste le chercheur. Il en existe plusieurs, mais le plus connu reste celui que les élèves apprennent en biologie : la photosynthèse. Grâce à ces échanges, les végétaux et les océans absorbent autant de carbone qu’ils en rejettent. Le cycle naturel reste ainsi à l’équilibre.

Mais c’était sans compter sur l’Homme qui « émet entre 10 et 15 milliards de tonnes de carbone par an », avance Gerhard Krinner. Une quantité en apparence négligeable comparée au 200 milliards du cycle naturel mais qui constitue en réalité le nœud du problème. Et pour cause, car « l’Homme ne fait qu’émettre », constate le chercheur. En puisant dans les énergies fossiles, l’Homme injecte dans l’atmosphère du « carbone qui était en dehors du cycle naturel », indique le scientifique. Cet excédent s’accumule depuis de nombreuses années, sans aucune forme de compensation. En résulte le réchauffement climatique linéaire du siècle écoulé.

Gerhard Krinner esquisse une comparaison : « C’est comme avec un compte en banque. En recevant et en dépensant 3 000 euros tous les mois, on est à l’équilibre. Maintenant, si on nous glisse une prime mensuelle de 100 euros qu’on ne dépense pas, la petite somme s’accumule progressivement ».

Autrement dit, les quantités rejetées par les activités humaines – très faibles en apparence – perturbent le cycle naturel de régulation du carbone et sont la cause principale de la hausse des températures.

…régi naturellement pendant des milliers d’années…

En libérant dans l’atmosphère une quantité de CO2 qui n’est pas compensée, l’Homme devient ainsi l’acteur principal du réchauffement climatique. Une idée rejetée par ceux qui affirment que le CO2 n’est pas responsable de l’emballement du mercure. Pourtant, les résultats scientifiques démontrent bien une corrélation entre la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et les variations de chaleur terrestre.

Par le passé, l’équilibre naturel du cycle carbone a parfois pu être perturbé lors d’importants bouleversements. Avant l’ère industrielle et son indissociable pollution, les augmentations de CO2, et donc du mercure, étaient causées par des phénomènes naturels, comme des éruptions volcaniques, qui voyaient d’importantes quantités de « CO2 s’accumuler dans l’atmosphère », avance Gerhard Krinner. Les températures augmentaient ainsi mécaniquement.

La Terre a de fait déjà connu des températures bien plus chaudes mais aussi bien plus basses qu’aujourd’hui, comme le montre cette étude. Ces changements de températures, au cours de milliers – voire de millions – d’années, sont directement liés à la proportion de CO2 dans l’atmosphère. Pour résumer : plus il y a de CO2, plus le climat est chaud et vice-versa.

Il y a environ 60 millions d’années, par exemple, il faisait plus de 30°C de moyenne sur Terre. La concentration de CO2 dans l’atmosphère était alors de 1 000 parties par million (ppm). Au cours des 50 millions d’années suivants, le climat s’est progressivement refroidi grâce à la formation d’importantes chaînes de montagnes comme « les Alpes ou encore de l’Himalaya qui ont permis d’absorber le CO2 en grande quantité […] grâce à l’érosion », poursuit Gerhard Krinner.

L’érosion expose en effet des roches dites silicatées qui réagissent avec le CO2 dans l’air formant des ions. Ces derniers ruissellent ensuite jusqu’aux océans où ils se transforment en sédiments qui vont stocker le carbone pendant des millions d’années. Ce phénomène est en grande partie responsable de l’adoucissement du climat sur une échelle de plusieurs millions d’années.

Autrement dit, des processus naturels ont régi, durant des millions d’années, la teneur en CO2 de l’atmosphère et donc, la température de la Terre. En déstabilisant cet équilibre, les activités industrielles humaines sont devenues le moteur du réchauffement actuel.

…et se rend responsable du réchauffement climatique

« Aujourd’hui, ce qui fait varier la concentration de CO2 [et qui provoque donc l’emballement de la température, ndlr] très rapidement, c’est l’Homme », affirme catégoriquement Gerhard Krinner. Les taux de dioxyde de carbone ont énormément diminué au cours des 50 derniers millions d’années, mais ils connaissent une hausse subite depuis la période pré-industrielle, soit les années 1750. La concentration qui était de 280 parties par million est grimpée à « 420 ppm aujourd’hui », rappelle le scientifique.

À ces augmentations des émissions s’ajoute une réduction toujours plus importante des puits de carbone naturels, notamment en raison de la déforestation, des sécheresses ou des incendies. Il fait chaque année un peu plus chaud et le constat reste le même en prenant une échelle de temps plus large que la différence entre 1750 et aujourd’hui. Au cours des 100 000 dernières années, « il n’a jamais fait aussi chaud sur Terre sur une échelle de temps multi-centennale » qu’en 2024, souligne le scientifique.

En d’autres termes, la température sur Terre, qui est directement corrélée à la teneur en CO2 de l’atmosphère, ne cesse d’augmenter depuis que l’Homme s’est mis à rejeter une quantité de carbone que le cycle naturel ne permet pas de compenser.