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Crédit : Ceridwen~commonswiki - CC BY-SA 2.0

Non, la pilule contraceptive n’est pas aussi cancérigène que l’alcool ou le tabac

Création : 21 juillet 2025

Autrice : Maylis Ygrand, journaliste 

Relecteur : Nicolas Turcev, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clarisse Le Naour, double cursus L3 science politique et L3 droit public à l’université Lumière Lyon II

Source : Compte Facebook, le 18 juin 2025

Si ce contraceptif peut augmenter le risque de développer certains cancers, il est bien moins élevé que pour l’alcool ou le tabac, contrairement à ce qu’affirment certains internautes.

La pilule contraceptive serait-elle aussi cancérigène que l’alcool et le tabac ? À en croire certaines publications, devenues virales ces dernières semaines, « l’OMS a classé la pilule comme cancérogène groupe 1 au même niveau que le tabac et l’alcool ».

« Et on nous laisse prendre ça… », soupire une internaute. « Je l’ai arrêté aujourd’hui », commente une autre.

La classification de la pilule comme cancérigène par l’OMS est avérée. Mais les internautes interprètent mal la signification de cette décision. En réalité, le risque de développer un cancer à cause de la pilule est bien moindre que celui associé à la consommation d’alcool ou de tabac. Explications.

Un lien avéré

En 2005, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), l’agence spécialisée dans le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé les contraceptifs œstroprogestatifs — les pilules, mais aussi les traitements hormonaux pour contrer les symptômes de la ménopause — dans le groupe des cancérigènes de catégorie 1. Parmi eux : l’alcool et le tabac.

Mais contrairement aux dires de certains internautes, cette classification ne prétend pas mettre « au même niveau » de risque les différents agents cancérigènes de ce groupe. En effet, cette classification indique seulement « le degré de plausibilité du lien », rectifie Christine Rousset-Jablonski, gynécologue médicale au Centre Léon Bérard à Lyon.

« C’est-à-dire qu’il y a suffisamment d’études pour pouvoir considérer qu’il y a très probablement un lien entre la prise d’une contraception hormonale et le risque de développer un cancer, en l’occurrence un cancer du sein [le lien a été depuis également prouvé dans certaines études pour les pilules progestatives, ndlr] », commente la spécialiste.

Ainsi, comme l’indiquait le Circ en 2019, le groupe 1 regroupe les produits qui sont « cancérogènes pour l’homme », quand le groupe 3 concerne ceux qui sont « inclassables quant à [leur] cancérogénicité pour l’homme ». « Ça ne préjuge donc pas du tout du niveau de risque associé », conclut la gynécologue médicale.

Le tabac et l’alcool, largement plus cancérigènes

Et pour cause. Bien loin devant la pilule contraceptive, le tabac constitue le premier facteur de risque de cancer. Il multiplie par plus de 10 le risque de développer un cancer du poumon par rapport à un non-fumeur.

À sa suite, l’alcool est le deuxième facteur de risque évitable. Les hommes consommant environ six verres par jour ont 3,4 fois plus de chances d’être atteints d’un cancer de la cavité buccale ou du larynx.

Les traitements hormonaux, dont les contraceptifs font partie, n’arrivent, eux, qu’en dixième position parmi les facteurs de risque évitables. Pendant la prise de la pilule, « le risque de développer un cancer du sein est, selon les études, multiplié par 1,2 à 2» indique Christine Rousset-Jablonski. Il disparaît ensuite cinq à dix ans après la dernière prise.

Une balance bénéfices-risques équilibrée

Logiquement, la multiplication de ce risque ne concerne que les femmes en âge de procréer, qui ont initialement moins de risques de développer un cancer du sein — la période la plus dangereuse se situe entre 50 et 74 ans. Résultat : le risque, en valeur absolue, qu’une femme prenant la pilule contraceptive développe un cancer du sein à cause de son traitement « est très faible », affirme Anna Gosset, gynécologue médicale au CHU de Toulouse.

Une étude parue en 2017 portant sur la population danoise établit le nombre de cancers du sein causés chaque année par la prise de contraception hormonale à 13 cas pour 100 000 personnes âgées de 15 à 49 ans ayant recours à cette méthode — soit un cas supplémentaire toutes les 7 690 femmes.

À titre de comparaison, en France en 2015, sur 100 000 personnes âgées de plus de 30 ans, 151 nouveaux cas de cancer étaient attribuables à la consommation de tabac. Soit un cas pour 662 individus — fumeurs et non-fumeurs confondus.

De plus, si la pilule contraceptive augmente — faiblement — le risque de cancer du sein, elle protège contre « les cancers de l’ovaire, de l’utérus ou encore du côlon », énumère Céline Chauleur, cheffe du service de chirurgie gynécologique du CHU de Saint Etienne.

D’après certaines études (comme ici ou ), ses effets protecteurs contrebalancent même les effets négatifs. À tel point qu’il n’y aurait pas plus de risque, globalement, de développer un cancer en ayant pris une pilule contraceptive au cours de sa vie : en 2015, les contraceptifs oraux ont causé 600 cancers du sein et du col utérin, mais ont évité 2 500 cancers de l’endomètre et de l’ovaire, d’après des données du Circ.

Par contre, « la contraception œstroprogestative est associée à une augmentation des risques de thrombose, d’embolie pulmonaire ou encore d’AVC », prévient Christine Rousset-Jablonski.

Un risque de grossesse en cas d’arrêt brutal de la pilule

Ainsi, mettre sur un pied d’égalité les facteurs de risque de cancer que constituent le tabac, l’alcool et les pilules contraceptives est trompeur. S’ils sont bien tous cancérigènes, ils ne le sont pas tous au même niveau.

Pour autant, malgré plusieurs articles de presse ayant débunké cette infox (comme ici, ici ou ), elle continue de circuler et certaines internautes ont affirmé arrêter la pilule. Si toute personne est libre de décider de sa contraception, « il peut y avoir un risque de conception non prévue si dans les cinq jours précédant l’arrêt de la pilule il y a eu un rapport sexuel », avertit Christine Rousset-Jablonski. En effet, les spermatozoïdes restent actifs pendant ce laps de temps et peuvent donc encore l’être lors de l’arrêt du contraceptif.

Anna Gosset conseille donc aux personnes se posant des questions quant à leurs pilules contraceptives d’« aller en parler aux prescripteurs [médecins, gynécologistes et sage-femmes, ndlr] avant de tout arrêter ».