Crédit : Andreas Göllner

Non, la moitié du poulet consommé en France ne provient pas d’Ukraine

Création : 22 novembre 2024

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : BFMTV, le 18 novembre 2024

Sur BFM TV, la journaliste Apolline de Malherbe assure que plus de la moitié du poulet consommé en France provient d’Ukraine. Une information très relayée sur les réseaux sociaux. Si l’Ukraine fait partie des gros pays exportateurs de poulets vers la France, elle ne l’est pas dans ces proportions.

Les agriculteurs français se font-ils plumer par leurs homologues ukrainiens ? C’est ce que semble croire un bon nombre d’internautes sur les réseaux sociaux après que la présentatrice Apolline de Malherbe ait lâché, sur le plateau de BFM TV, le 18 novembre, dans son émission “Face à Face”, que “plus de la moitié du poulet consommé en France vient d’Ukraine”.

Ni une, ni deux, le passage a été relayé sur X, YouTube ou encore Facebook, l’associant souvent à une critique de l’UE ou de l’Ukraine. Sous prétexte de la guerre, plus de la moitié du poulet consommé en France vient d’Ukraine”, s’insurge un internaute. Il faut sortir de L’UE et vite !”, commente une autre.

Qu’en est-il vraiment ? Est-ce que plus de 50 % des poulets que consomment les Français viennent tout droit d’Ukraine ? Les Surligneurs ont vérifié.

La Pologne, en tête des importations françaises

Pour le savoir, il faut décortiquer les données statistiques de la volaille, et notamment celles issues de l’Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture. L’organisme s’appuie sur les chiffres transmis par les douanes françaises pour faire les comptes : “En France, un poulet consommé sur deux est issu de l’importation”, explique aux Surligneurs Simon Fourdin, directeur du pôle économie de l’Itavi (Institut technique ).

Ainsi, en suivant la logique d’Apolline de Malherbe et de nos internautes, cela signifierait que 100 % de ce poulet importé proviendrait d’Ukraine. Or, ce n’est pas le cas.

Selon un rapport de la Cour des comptes publié en septembre 2024, les “importations françaises de viande de volaille proviennent [en moyenne] à 94 % des autres États membres de l’Union européenne”, depuis au moins une dizaine d’années. Un constat confirmé par les chiffres les plus récents récoltés par l’Itavi, que l’organisme a transmis aux Surligneurs par mail.

 

Crédit : ITAVI d’après douanes françaises

 

En s’appuyant sur les chiffres de l’Agreste, pour les neuf premiers mois de 2024, Itavi établit que les trois premiers pays exportateurs de poulets vers la France sont la Pologne (214 618 tonnes), la Belgique (156 185 tonnes) et les Pays-Bas (92 418 tonnes). Arrivent ensuite l’Allemagne (54 611) et d’autres pays membres de l’UE.

Loin derrière, on trouve le Brésil (3 994 tonnes) et l’Ukraine (2 437 tonnes). “La part de poulets importés directement depuis l’Ukraine est très faible. Ça représente environ 5 % de nos importations”, complète Simon Fourdin.

Perte de traçabilité

Mais attention, pour ce qui est de l’Ukraine ou du Brésil, les chiffres ne concernent que les poulets importés directement en France. Or, une partie du poulet est importé de manière indirecte. C’est-à-dire qu’avant d’arriver dans les rayons de nos supermarchés, les volailles s’arrêtent dans un pays intermédiaire pour être transformées.

Et c’est là que tout se complique, car la traçabilité est beaucoup plus opaque : “Sur le marché commun, il y a une obligation de traçabilité entre ce qui sort de l’UE et ce qui y rentre. Mais pas entre les pays membres. Si un poulet ukrainien ou brésilien, qui passe par un autre pays européen avant la France, subit une transformation (découpage, saumurage, ajout d’épices…), là, on perd la traçabilité”, indique Simon Fourdin.

Une faille règlementaire pour Yann Nédélec, directeur de l’Anvol, l’organisme qui représente différentes professions de la filière de la volaille de chair. “La réglementation oblige seulement à indiquer l’origine européenne ou non européenne de la viande. La plupart du temps, nous n’avons pas l’origine exacte du poulet, nous avons seulement qu’il provient d’un pays tiers. Cette obligation saute même dans certains cas : notamment pour les produits transformés, comme les nuggets ou les cordons bleus”, détaille-t-il.

Il est donc très compliqué de connaître la réelle part de la volaille ukrainienne dans nos assiettes, même si cette dernière a sans doute sensiblement augmenté ces dernières années. En effet, pour venir en aide à l’Ukraine et à ses agriculteurs, l’Europe a décidé d’ouvrir ses frontières au printemps 2022 et de supprimer les taxes à l’importation de certains produits, y compris du poulet.

Pour autant, il est fort probable qu’Apolline de Malherbe ait fait une confusion (et cela arrive) entre le poulet importé en France (50 % d’origine étrangère) et le poulet importé venu d’Ukraine. Pour l’heure, faute de traçabilité, il semble impossible de connaître la part exacte du poulet élevé ou abattu en Ukraine qui termine sa course dans nos rayons de supermarchés.

 

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