StreetMic LiveStream, CC BY 3.0 , via Wikimedia Commons

Non, la justice britannique ne libère pas un assassin pour emprisonner des émeutiers

Création : 16 août 2024

Auteur : Antoine Mauvy, étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas

Relecteur : Etienne Merle, journaliste 

Relecteur : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Instagram, le 7 août 2024

Un internaute affirme que la justice britannique aurait libéré un “assassin à la machette”  pour faire de la place dans les prisons et ainsi incarcérer des émeutiers. Il s’agit d’une confusion temporelle couronnée d’un raccourci juridique. 

Un système à la dérive. Voilà ce que serait désormais la justice britannique, selon un post Instagram publié le 7 août 2024. En cause, selon l’internaute, la décision de libérer des détenus, dont un “assassin à la machette”, afin “d’incarcérer les émeutiers” à leurs places. 

L’internaute fait référence ici aux heurts qui ont secoué le Royaume-Uni après l’assassinat de trois petites filles, le 30 juillet dernier. À l’en croire, le gouvernement britannique chercherait à trouver des places pour incarcérer les émeutiers arrêtés, quitte à libérer des individus plus dangereux encore. 

Alors, libérations tous azimuts ou publication trompeuse ? Les Surligneurs démêlent le vrai du faux. 

De quoi parle-t-on ? 

Tout d’abord, précisons que le gouvernement britannique a bien demandé à la justice de désengorger les prisons britanniques. C’est une mesure qui a été annoncée par les travaillistes le 12 juillet 2024, une semaine après leur accession au pouvoir, à la suite des résultats des élections législatives du 4 juillet

En effet, le Premier ministre Keir Starmer et son gouvernement justifient cette décision à cause du surpeuplement carcéral. Selon nos confrères du Monde, les prisons britanniques sont régulièrement remplies à 99 % de leur capacité depuis début 2023

Mais cette décision a été prise plus de quinze jours avant le début des émeutes (qui ont débuté le 30 juillet 2024). Il est donc faux de faire une corrélation entre cette décision politique et les émeutes, comme le fait notre internaute. 

Par ailleurs, notons que cette mesure du gouvernement travailliste s’applique sous certaines conditions. La possibilité de libération n’est pas ouverte à des personnes incarcérées pour des infractions sexuelles ou condamnées à plus de quatre ans de détention. 

Les détenus qui pourront être libérés sont ceux qui ont déjà purgé au moins 40 % de leur peine et qui étaient éligibles à une libération anticipée sous contrôle judiciaire après avoir réalisé 50 % de leur peine. 

Un assassin a-t-il été libéré ? 

Du reste, un “assassin à la machette”, a-t-il été libéré par la justice ? Pour le savoir, intéressons-nous à la tragique histoire à laquelle notre internaute fait référence. En novembre 2022, un adolescent de 14 ans, Gordon Gault, décède à l’hôpital à la suite d’une attaque à la machette. 

Après enquête et procès, deux autres jeunes hommes, Carlos Neto et Lawson Natty, sont condamnés en mars 2024 pour “manslaughter” et “unlawful wounding”, détaille ce document officiel. En français, cela peut se traduire par “homicide involontaire” et “blessures illégales”.

En d’autres termes, si la justice britannique confirme que les deux jeunes hommes ont bien donné la mort, elle estime qu’ils ne l’ont pas fait intentionnellement. Ainsi, ils ne sont pas des “assassins” au sens de la loi britannique.

Cette précision revêt une importance capitale. L’assassinat, ou le meurtre avec préméditation, est considéré comme plus grave que l’homicide volontaire ou involontaire, car il a été prémédité. Leurs sanctions varient en conséquence. 

Ainsi, Lawson Natty a été condamné à deux ans et huit mois de prison ferme, tandis que son compère, Carlos Neto, à neuf ans et deux mois. En d’autres termes, la justice britannique a estimé que la responsabilité de Carlos Neto était bien supérieure à celle de son comparse. Selon des sources britanniques peu fiables, c’est Lawson Natty qui doit être libéré en septembre prochain. Carlos Neto, lui, restera en prison. 

Ces multiples critères éloignent donc la libération tous azimuts de détenus décrite par notre internaute. Ce dernier a tissé un lien entre deux événements corrélés, pourtant non reliés par un lien de causalité. Il s’agit là d’un bon exemple de l’effet cigogne

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