Non, la Hongrie n’a pas expulsé des migrants par bus vers Bruxelles
Dernière modification : 7 février 2025
Auteur : Hugo Guguen, juriste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste
Source : Compte Facebook, le 29 janvier 2025
En réponse à une amende de 200 millions d’euros infligée par la Cour de justice de l’Union européenne, la Hongrie avait annoncé vouloir transporter directement des migrants par bus vers la capitale européenne. À ce jour, aucune arrivée de ce type depuis le pays des Magyars n’a été signalée en Belgique.
En voiture Simone ! À en croire les réseaux sociaux, la Hongrie ne se laisserait pas faire par les institutions européennes sur la question migratoire. « Condamnée à une amende de 200 millions d’euros par l’Union européenne pour avoir refusé d’accepter des réfugiés musulmans entrés illégalement sur son territoire, elle a répliqué en les transportant directement à Bruxelles en bus ! », écrit une utilisatrice Facebook.
Si cette menace a bien été formulée par des responsables du gouvernement hongrois, rien de tel n’est encore arrivé. Cette bravade pourrait plutôt n’être qu’un cri dans le désert de la part d’un pays dos au mur à la suite d’une sanction de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Les Surligneurs font le point.
Une mise en scène théâtrale
L’administration hongroise se bat depuis plusieurs années avec les institutions européennes sur la question de l’accueil des migrants. Lors d’une conférence de presse en août 2024, le chef de cabinet du Premier ministre hongrois, Gergely Gulyás, agite la menace d’un déferlement migratoire : « Nous donnerons à tout le monde un billet aller simple si l’UE rend impossible l’arrêt des migrants à la frontière extérieure. »
La menace prend forme le mois suivant avec la publication d’une vidéo fortement mise en scène et largement partagée sur les réseaux sociaux. Devant une rangée de bus affichant sur leurs écrans un trajet « Röszke [village situé à la frontière avec la Serbie voisine, ndlr] – Bruxelles », le secrétaire d’État auprès du ministère de l’Intérieur, Bence Retvari, promet d’envoyer des cars de personnes migrantes directement à Bruxelles : « Si Bruxelles veut des migrants, elle peut les avoir ! », a-t-il déclaré.
Sauf que, pour le moment, seules ces mises en scènes ont eu lieu : « Aucun migrant n’a été acheminé de la sorte depuis la Hongrie vers Bruxelles, que ce soit en bus, ou par tout autre moyen de transport », confirme aux Surligneurs un porte-parole de la Commission européenne. Pour reprendre les mots de nos confrères de Euronews, le 10 septembre 2024 : « Aucun transfert n’a encore eu lieu et personne ne sait quand ils auront lieu, si tant est qu’ils aient lieu. »
Un million d’euros d’astreinte par jour
À l’origine du litige, une amende de 200 millions d’euros infligée par la Cour de justice de l’Union européenne au gouvernement hongrois le 13 juin 2024 pour ne pas s’être conformé à une précédente décision des juges européens, rendue quatre ans plus tôt. La CJUE avait alors jugé que la Hongrie manquait à ses obligations découlant du droit de l’Union pour les personnes en situation de séjour irrégulier.
La plus haute instance judiciaire communautaire estime que la Hongrie limite l’accès à la procédure de protection internationale aux demandeurs d’asile, a instauré un système de rétention généralisé des demandeurs de cette protection, et procède à la reconduite forcée de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sans respecter les garanties prévues par le droit européen, notamment la directive « retour ».
L’amende infligée en juin dernier s’accompagne d’une astreinte d’un million d’euros pour chaque jour de retard dans la mise en conformité. « Ce manquement, qui consiste à éluder délibérément l’application d’une politique commune de l’Union dans son ensemble, constitue une violation inédite et exceptionnellement grave du droit de l’Union« , écrivent les juges. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, quant à lui, a qualifié la décision du tribunal de « scandaleuse et inacceptable » sur son compte X (ex-Twitter).
La Commission met la Hongrie sous pression
Le 16 juillet 2024, la Commission européenne exige le paiement de cette amende et des astreintes sous 45 jours. N’ayant pas respecté ce premier délai, la Commission européenne a envoyé une seconde injonction le 2 septembre pour une nouvelle échéance de paiement le 17 décembre 2024.
C’est en réponse à ces pressions que la Hongrie a tenté d’intimider les institutions de l’Union européenne en menaçant d’envoyer ces bus transportant des demandeurs d’asile. Plus l’échéance se rapprochait, plus virulente devenait la campagne de Budapest.
Toutefois, la stratégie hongroise s’est révélée être un coup d’épée dans l’eau. Plutôt que d’attendre un remboursement, la Commission européenne a pris le choix de puiser directement la somme demandée dans les fonds européens, que la Hongrie reçoit en principe chaque année du budget de l’Union, conformément à l’article 102 du Règlement relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union.
« La Commission, conformément aux règles applicables, passe à la procédure de compensation. Nous allons déduire les 200 millions d’euros des prochains paiements du budget de l’UE à destination de la Hongrie », a déclaré le porte-parole de la Commission européenne Balazs Ujvari, le 18 septembre dernier.
Contacté, le gouvernement hongrois n’a pas répondu à nos sollicitations.
Article modifié le 7 février 2025. Motifs : ajout de la réponse du porte-parole de la Commission européenne.