Crédit : Jérome Salles / Armée de terre (Licence Ouverte 2.0)

Non, la France n’a pas décidé de retirer ses troupes du Tchad

Création : 11 octobre 2024

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste

Source : Compte Facebook, le 5 octobre 2024

Sur les réseaux sociaux, un document français classé “confidentiel défense” circule depuis début octobre, affirmant que le pays a décidé de retirer son armée du Tchad. Ce document est un faux. Si la France a déclaré vouloir réduire sa présence dans l’une de ces dernières régions du Sahel où elle est encore présente, elle n’envisage absolument pas un retrait total. 

Faut-il y voir, une nouvelle fois, une preuve de l’ingérence russe au Sahel ? Depuis début octobre 2024, un étrange document classé “confidentiel défense”, associé au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale française, circule sur les réseaux sociaux. Présenté sous la forme d’un rapport, il a pour objet “l’évacuation des troupes françaises du territoire de la République du Tchad”

Partagé notamment sur Facebook et Twitter, il est utilisé par plusieurs internautes comme la preuve que l’armée française quittera bientôt le Tchad. “Ce processus [de retrait] devrait avoir lieu au plus tard le 25 décembre 2024 afin d’éviter un désastre ultérieur pour la France”, affirme un utilisateur Facebook.

La diffusion d’un tel document, d’autant plus sur le web avec la mention “confidentiel”, est assez surprenante au regard des bonnes relations diplomatiques qu’entretiennent encore les deux pays. 

En effet, dans un contexte actuel tendu au Sahel pour la France, le Tchad fait figure d’exception. Le 4 octobre 2024, Emmanuel Macron a même rencontré le président du Tchad, Mahamat Idriss Déby, à Paris. Pour l’heure, aucun retrait des troupes françaises n’est envisagé. 

“Aucune des raisons invoquées ne tient la route par rapport à la stratégie française”

Au cours de leur discussion début octobre, en marge du 19ᵉ sommet de la Francophonie à Paris, les présidents du Tchad et de la France ont évoqué une coopération militaire entre les deux pays. 

Lors de cet entretien, les deux chefs d’État sont convenus de renforcer la coopération entre la France et le Tchad dans les domaines économique, militaire et culturel”, indique un compte rendu de l’Élysée. Une déclaration officielle en totale contradiction avec l’idée d’un retrait progressif des troupes françaises du Tchad à partir de décembre 2024. 

La continuité des relations militaires franco-tchadiennes nous a été confirmée par un expert. “À ma connaissance, il n’est pas du tout question d’un retrait pur et simple des armées françaises du Tchad”, nous confie par message Jean-Marc Gravellini, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste des enjeux sécuritaires et de développement dans la zone sahélienne.

Alors, ce document serait-il faux ? Selon deux médias tchadiens, il semblerait que oui. Les deux mettent en avant des incohérences de rédactions, de multiples fautes d’orthographe, mais aussi une version périmée depuis le 1ᵉʳ juillet 2021 de la mention “confidentiel défense”, selon une source militaire française des médias. Contacté par mail, l’État-major des armées a confirmé aux Surligneurs la version des deux médias. Il s’agit bien d’un faux.

Sur le fond, tout laisse aussi penser à de la désinformation. Aucune des raisons invoquées ne tient la route par rapport à la stratégie française. L’armée ne quittera pas un pays parce que la situation socio-économique est mauvaise, parce que le groupe Wagner progresse [ou] parce qu’elle ne veut pas affronter une situation catastrophique”, détaille Jean-Marc Gravellini. 

Contexte de la présence française au Sahel 

Selon ce chercheur, pour qui le document reflète plutôt les espoirs de panafricanistes et des partisans de la Russie, le Tchad occupe une place importante dans la diplomatie française. “Le Tchad reste un pilier important de notre partenariat politique et militaire dans la région”, explique-t-il. 

Dans un contexte de sentiment anti-français qui semble s’installer durablement au Sahel, la France travaille à entretenir sa relation avec le Tchad. La France craint que si la relation russo-tchadienne se renforce davantage, cela se fasse au détriment de celle du Tchad avec l’Occident. L’ambition est d’éviter les départs forcés, comme ce fut le cas au Mali, au Burkina Faso ou au Niger.

Pour éviter une telle évolution, la France fait le choix de se faire plus discrète. Dans un article de Libération de juin 2024, la journaliste Laurence Defranoux explique que pour diminuer la visibilité de la présence militaire française, Paris réduit drastiquement ses effectifs sur le continent”. Selon cette spécialiste des questions de défense, cette réduction devrait se traduire au Tchad par un maintien d’environ 300 personnes, contre environ un millier en juin.

Actuellement, le partenariat entre le Tchad et la France consiste en un accord de coopération de défense, indique l’État-major des armées aux Surligneurs. “À la demande des autorités tchadiennes, les armées contribuent à des formations au profit de l’armée nationale tchadienne et à des exercices et entraînements conjoints”.

 

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