Non, des milliers de scientifiques n’ont pas dénoncé le canular de la crise climatique
Autrice : Lili Pillot, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 22 octobre 2024
Sur les réseaux sociaux, une capture d’écran d’un article affirme que “des milliers de scientifiques s’unissent pour dénoncer le canular de la ‘crise climatique’”. L’article en question n’existe pas et ces relayeurs renvoient vers une déclaration niant l’urgence climatique, qui aurait été signée par 1 952 scientifiques. Or, ces derniers ne possèdent pas tous de qualifications sur le sujet du climat.
Le GIEC serait-il passé à côté de l’info ? Il n’y a pas d’urgence climatique, que tout le monde se rassure ! C’est en tout cas ce que pense un internaute qui relaie sur Facebook la capture d’écran d’un article intitulé “Des milliers de scientifiques s’unissent pour dénoncer le canular de la ‘crise climatique’”.
Sur X, un compte relaie la même image accompagnée d’une autre source : une déclaration signée par 1 952 scientifiques intitulée “Il n’y a pas d’urgence climatique”.
Qu’en est-il vraiment ? Est-ce qu’effectivement des chercheurs ont dénoncé “le canular scientifique” et est-ce que la source avancée tient la route ? Les Surligneurs font le point.
Une première version climatosceptique américaine
En réalité, la capture d’écran de l’article en français se serait en fait inspirée d’une version anglaise, publiée sur YourNewsWire, ancien site de désinformation américain selon Conspiracy Watch, rebaptisé The People’s Voice. On retrouve effectivement le même visuel et la même photographie.
Dans cet article de 2016, titré “Tens of Thousands Of Scientists Declare Climate Change A Hoax” (“Des dizaines de milliers de scientifiques déclarent que le changement climatique est un canular” en anglais), l’auteur écrit que “de nombreuses découvertes scientifiques récentes [indiquent] qu’il n’y a eu aucune tendance au réchauffement depuis près de deux décennies”.
Selon DeSmog, média de lutte contre la désinformation environnementale, l’article de YourNewsWire renvoie vers une référence dans le milieu climato-sceptique : la pétition de l’Oregon. Ce document, rédigé en 1998, incitait le gouvernement américain à ne pas signer le protocole de Kyoto. Au fil du temps, il est devenu l’argument principal des climato-sceptiques pour affirmer que plus de 30 000 scientifiques se seraient opposés à la “théorie” du réchauffement climatique.
Pourtant, comme le précise DeSmog, une analyse de la pétition révèle que seulement 39 des 31 000 signataires possédaient réellement une qualification pertinente en sciences du climat.
Pour la forme, le contenu est quasiment un copié-collé d’un article plus ancien, publié sur le site Natural News.
Version française plus récente
Revenons à notre capture d’écran de l’article en français. En dessous du post X qui avait attiré notre attention, l’auteur fait mention d’une autre source pour affirmer que le “consensus scientifique” sur le climat serait une fake news. “La source de la déclaration “Il n’y a pas d’urgence climatique” est une fondation de scientifiques qui existe bel et bien, déclarée aux Pays-Bas en 2019 et nommée CLINTEL” tweete-t-il.
La fondation en question est bien plus récente que la pétition de l’Oregon. Mais elle publie sur son site web un document similaire, une déclaration signée par 1 952 scientifiques, dont une centaine français, intitulée ‘Il n’y a pas d’urgence climatique’. Dans cette sorte de tribune, à rebours de l’ensemble des autres avis scientifiques, les signataires minimisent l’impact de l’homme sur le dérèglement climatique ou encore nient l’aspect négatif du CO2.
Que vaut cette déclaration ? En premier signataire du côté des scientifiques français, on trouve Benoît Rittaud, président d’une association climatosceptique “Les climato-réalistes” et enseignant-chercheur en mathématique. Parmi les autres signataires, beaucoup ne possèdent pas non plus de qualifications sur le sujet du climat.
Et petit twist intéressant : certains ont même fait carrière dans des groupes industriels et pétroliers. C’est ce qu’avait découvert TF1 après analyse d’une autre pétition, similaire et portée par CLINTEL.
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