Non, des centaines d’échantillons de virus mortels n’ont pas été volés à la suite d’une effraction dans un laboratoire australien
Auteur : Hugo Guguen, juriste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 12 décembre 2024
323 échantillons de virus ont bien « disparu » d’un laboratoire du Queensland mais ce n’est ni récent ni lié à un vol, contrairement à ce qu’affirment des internautes. Selon le chef de service de santé, rien n’indique un vol, et cette disparition ne présenterait pas de risque pour le public.
Faudra-t-il de nouveau préparer votre stock de pâtes, vos masques chirurgicaux et vos rouleaux de papier toilette ? À en croire certains internautes, on se dirigerait vers une nouvelle crise sanitaire suite à la disparition de 323 échantillons de virus d’un laboratoire de virologie situé dans l’État du Queensland en Australie.
Pour des internautes, ces échantillons ne se seraient pas volatilisés seuls et ils auraient été volés. « Des centaines de flacons contenant des virus mortels ont disparu après une effraction dans un laboratoire », peut-on par exemple lire sur Facebook. Ils en veulent pour preuve certains articles de presse à scandale qui avancent qu’il s’agit d’un vol.
Il n’a pas fallu longtemps pour que des théories du complot voient le jour. « Ils préparent leur nouveau virus la vaxx plandémie confinée à bien marché », ou encore : « Le confinement de la population est déjà programmé? », écrivent les internautes en commentaires.
Pourtant, les autorités australiennes, à l’origine de la révélation de cette disparition et derrière l’ouverture d’une enquête sur cette dernière, réfutent l’hypothèse d’un vol par effraction. Que s’est-il réellement passé ?
Le congélateur de Pandore
Le 9 décembre 2024, un communiqué officiel du gouvernement du Queensland révèle que 323 flacons contenant des virus dangereux ont disparu du laboratoire de virologie de santé publique du Queensland… en 2021. Ce manquement grave a ensuite été découvert en août 2023.
Ce laboratoire fournit des services de diagnostic, de surveillance et de recherche sur les virus et les agents pathogènes transmis par les moustiques et les tiques et était en possession de ces virus dans ce contexte.
Les flacons manquants comprennent le virus Hendra, le Lyssavirus et le Hantavirus. Le premier est un virus zoonotique, pouvant être transmis des animaux aux humains. Le deuxième est une famille de virus comprenant le virus de la rage, selon le dictionnaire médical de l’Académie de Médecine. Et le dernier est une famille de virus provoquant des maladies comme le syndrome pulmonaire à hantavirus et la fièvre hémorragique avec syndrome rénal, précise le Centre états-unien pour le contrôle et la prévention des maladies.
Le matériel, qui comprenait les flacons des virus, semble avoir disparu après la panne d’un congélateur stockant les échantillons, rapporte ABC News. Ce que le communiqué officiel du gouvernement australien qualifie de « violation historique majeure des protocoles de biosécurité ». Afin de découvrir comment ces virus ont pu disparaître et pourquoi cette disparition n’a pas été notifiée pendant près de deux ans, le gouvernement australien a lancé une enquête.
Une destruction non enregistrée ?
Bien que le laboratoire ne soit pas encore en mesure d’expliquer concrètement cette disparition, l’hypothèse d’un vol est néanmoins écartée : « Rien ne suggère que ces virus ont été pris du laboratoire », a déclaré à ABC John Gerrard, le chef du service de santé.
La réalité paraît être beaucoup plus ordinaire qu’un scénario de vol en laboratoire. « Ils ont été transférés dans un congélateur en état de marche sans que les documents nécessaires aient été remplis. Les matériaux ont peut-être été retirés de ce stockage sécurisé et perdu, ou n’ont pas été répertoriés », avance Tim Nicholls, ministre de la Santé du Queensland.
Le communiqué officiel du gouvernement du Queensland semble aller dans ce sens en précisant : « Il est très probable que les échantillons aient été détruits par autoclave, comme c’est la pratique courante en laboratoire, et qu’ils n’aient pas été correctement enregistrés. Il est très peu probable que des échantillons aient été jetés avec les déchets ordinaires, car cela serait complètement contraire aux pratiques de laboratoire courantes. »
Plus de bruit que de mal
Malgré la dangerosité des virus, la disparition des échantillons contenant ces derniers ne représenterait toutefois aucun danger pour l’Homme. « Il est difficile de concevoir un scénario dans lequel le public pourrait être en danger », rassure John Gerrard dans le communiqué officiel.
En effet, en dehors d’un congélateur à basse température, « les échantillons de virus se dégraderaient très rapidement et deviendraient non infectieux ». Or, vu que la brèche a eu lieu il y a désormais trois ans, il est fort probable que les virus, dans l’éventualité où ils n’ont pas été détruits, ne soient plus en mesure d’infecter un hôte.
À ce jour, « aucun cas d’Hendra ou de Lyssavirus n’a été détecté chez l’homme dans le Queensland au cours des cinq dernières années, et aucun cas d’infection à Hantavirus chez l’homme n’a jamais été signalé en Australie », précise le communiqué officiel.
Si le danger semble écarté pour les Australiens, le manquement du laboratoire n’en est pas moins pointé du doigt. Le docteur Paul Griffin, expert en maladies infectieuses, a déclaré dans un entretien avec ABC News qu’un manquement dans le stockage de virus aussi dangereux ne devrait pas être possible : « Les systèmes et les processus des laboratoires qui manipulent des agents pathogènes aussi mortels sont généralement si robustes et rigoureux… ce genre de choses ne peut tout simplement pas se produire ».
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