Non, cette vidéo ne montre pas un prisonnier sorti des geôles de Bachar al-Assad
Auteur : Hugo Guguen, juriste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Ella Couet, étudiante en journalisme
Source : Compte Facebook, publié le 15 décembre 2024
Une vidéo, très partagée, d’un homme sautillant à cloche-pied en s’appuyant sur sa jambe blessée est utilisée pour décrédibiliser la libération des prisonniers du régime de Bachar al-Assad. Pourtant, la vidéo est en réalité un sketch humoristique posté sur le compte Instagram d’un créateur de contenu vivant en Irak.
Après une demi décennie de pouvoir du clan Assad, le règne de celui que l’on surnommait « le boucher de Damas » a abruptement pris fin après l’offensive éclair des forces rebelles du HTC, dans la nuit du 7 au 8 décembre 2024. La chute du dictateur syrien Bachar al-Assad s’est accompagnée de l’ouverture des prisons du régime, révélant au monde entier les horreurs commises dans ces dernières.
La libération soudaine de la Syrie du régime de répression de Bachar al-Assad a provoqué une prolifération d’images et de vidéos. De nombreuses images publiées sur les réseaux sociaux montrent la libération d’hommes, de femmes et parfois même d’enfants. Parmi toutes ces vidéos, l’une d’entre elles a particulièrement retenu l’attention des Surligneurs.
On y voit un individu sortir d’un véhicule, épaulé par deux hommes, avec à la jambe droite une chaussette montante qui ressemble à un plâtre. Il se déplace en sautillant sur cette jambe jusqu’au moment où l’un des hommes le soutenant s’en aperçoit et lui donne une tape sur la tête. Le « blessé » change alors de jambe et continue à se déplacer en sautillant comme s’il ne s’était rien passé.
Cette vidéo a été partagée à de nombreuses reprises sur plusieurs plateformes. « On a sorti un « prisonnier » des geôles d’Assad, mais ce con s’appuie sur sa jambe blessée. Heureusement l’accompagnateur à la solde de CNN le rappelle à l’ordre. », peut-on lire ainsi sur Facebook. Sur la plateforme X, un autre internaute partage, lui aussi, la vidéo en assurant qu’il s’agit d’un « acteur à Gaza prétendant être une victime. » Mais qu’en est-il réellement ?
Faux blessé, vraie propagande
Bien loin d’une geôle d’Assad ou de Gaza, Les Surligneurs ont retrouvé la première occurrence de la vidéo sur le net. Tourné en Irak, il s’agit en réalité d’un sketch humoristique posté le 8 décembre 2024 par le comédien « x_hayder_r » sur son compte Instagram. Ce sketch a créé beaucoup d’engagement avec plus d’1,5 millions de likes et 17 000 commentaires sur la publication originelle.
Le créateur de contenu possède 478 000 abonnés sur la plateforme et vivrait selon sa description à Al-Kadhimiya, un des quartiers de Bagdad, la capitale irakienne. Rien à voir donc avec la chute de Bachar al-Assad ni la guerre à Gaza.
L’acteur a lui-même réagi dans une vidéo pour dénoncer l’instrumentalisation de son sketch : « Cette vidéo montre des images de la région de Kadhimiya à Bagdad, en Irak. Ne tombez pas dans leur piège, ils veulent discréditer la vérité et les témoignages de Gaza en diffusant des mensonges », conclut le comédien.
Le régime du dictateur syrien aura été le théâtre de la mésinformation jusqu’à sa chute. Le site Misbar, spécialisé dans la lutte contre la désinformation dans le monde arabe, a par exemple repéré plus d’une trentaine d’intox qui ont circulé ces derniers jours sur les réseaux sociaux. De la pendaison d’un cousin de Bachar al-Assad à la fuite du dictateur et sa famille à Moscou, en passant par des prisonniers découverts dans les souterrains de la prison de Saidnaya, Les Surligneurs ont couvert de nombreuses fausses informations entourant le conflit syrien.
Concernant Gaza, les Palestiniens font depuis longtemps l’objet de « moqueries » les accusant de mettre en scène les morts et les blessés. Ces prétendues mises en scènes, qui sont utilisées pour décrédibiliser les souffrances palestiniennes et minimiser l’impact de la violence israélienne, ont reçu le nom de « Pallywood », contraction de Palestine et Hollywood.
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