Non, cette vidéo ne montre pas un jeune français « forcé » d’aller se battre sur le front ukrainien
Auteur : Etienne Merle, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Instagram, le 27 novembre 2024
Une vidéo d’un jeune citoyen français prétendant être forcé par le gouvernement à aller se battre en Ukraine refait surface sur les réseaux sociaux. C’est entièrement faux comme l’auteur de la vidéo l’a lui-même reconnu.
Quelques secondes peuvent parfois transformer un gag en une désinformation virale. Alors que le conflit entre la Russie et l’Ukraine continue de faire rage, des rumeurs persistantes circulent sur les réseaux sociaux concernant une prétendue mobilisation de citoyens français pour combattre en Ukraine.
« Le gouvernement m’envoie de force en Ukraine », assène un jeune homme dans une vidéo largement relayé sur les réseaux sociaux. Il assure avoir reçu un courrier du « commissaire de justice de sa ville », lui obligeant de rejoindre le « 16ᵉ bataillon des chasseurs à pied ».
Selon son témoignage, en cas de refus, il risquerait « cinq ans d’emprisonnement ». De quoi alimenter tout un tas de fantasmes sur les réseaux sociaux et une crainte que de telles convocations se systématisent. « La prison est bien plus douce que la mort », commente un utilisateur d’Instagram.
Mais ces informations sont fausses. L’internaute l’a lui-même reconnu dans cette même vidéo …mais qui a été tronquée.
Personne n’est envoyé sur le front ukrainien
Partagée des dizaines de milliers de fois, et débunkée par plusieurs médias, comme l’AFP ou le site 20Minutes, la vidéo refait régulièrement surface. Les Surligneurs décident donc de mettre, à leur tour, la main à la pâte.
Tout d’abord, pour s’apercevoir de la supercherie, il faut remonter sur le profil du réseau social TikTok de l’internaute. Le 26 novembre, on y trouve deux vidéos similaires. Dans la première qui a été publiée e tqui est en couleur et un peu plus longue, il reconnait que tout est « faux », mais que « si ça arrive [il] sera déserteur ».
Problème, la vidéo qui a été largement partagée est celle où il ne fait pas mention de la supercherie. Résultat, l’internaute se retrouve débordé. En plus des articles de presse, le ministère des Armées a, lui aussi, réagi auprès de nos confrères, affirmant condamner « fermement la diffusion de ce type de contenus, volontairement trompeur et destiné à générer de l’engagement sur la base de fausses informations« .
Face au tollé, le jeune homme a d’ailleurs publié une nouvelle vidéo… pour présenter ces excuses : « Je tiens vraiment à m’excuser si ç’a pu en heurter certains, ce n’était pas mon but […] Ce n’est pas de la propagande, ni un canular, juste une mise en situation« .
Pas crédible !
Quoi qu’il en soit, le témoignage de l’internaute n’est pas crédible. Comme Les Surligneurs l’ont déjà raconté, le cadre légal qui permet d’envoyer des personnes au front est strict. Pour qu’un tel évènement ait lieu, il faut une situation exceptionnelle : celle d’une agression armée actuelle ou imminente, mais également celle d’une agression contre un pays auquel la France doit aide et assistance en vertu d’un traité comme celui de l’Otan.
Or, la Russie n’a pas déclaré la guerre à la France et l’Ukraine ne fait pas partie de l’Otan et quand bien même un pays membre de l’Alliance serait attaqué, l’article 5 du traité ne nous oblige pas à entrer en guerre.
Selon cette disposition, « [l]es parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles (…) sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles (…) assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action qu’elle jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée » . C’est alambiqué, mais tout est dans le « jugera nécessaire ».
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