Non, cette vidéo de C8 ne montre pas un avocat confirmer une transidentité supposée de Brigitte Macron
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, journaliste stagiaire
Source : Compte X, le 1er février 2025
Un extrait de C8 partagé massivement sur les réseaux sociaux laisse penser qu’un avocat-chroniqueur a enquêté sur Brigitte Macron et en tire des conclusions sur une supposée transidentité. C’est faux, l’extrait est volontairement tronqué.
« PURÉE ça sort sur les mainstreams… » Depuis la vidéo tant attendue des soi-disant révélations sur la transidentité supposée de Brigitte Macron, de la chroniqueuse états-unienne, Candace Owens, le 31 janvier dernier, de nombreuses vidéos et rumeurs sur la Première dame ont été ressorties des cartons. C’est le cas de cet extrait de l’émission Touche pas à mon poste sur C8 qui circule massivement sur Facebook, X, mais aussi Telegram.
« L’avocat Roland Perez a enquêté pendant trois ans sur l’affaire “Brigitte Macron”. La France essaie d’étouffer ce scandale d’État, déjà dévoilé dans beaucoup de pays », assure une internaute en partageant la vidéo de TPMP.
La vidéo commence effectivement de la sorte avec un avocat, Roland Perez, qui explique : « j’ai enquêté pendant trois ans sur la réalité de la situation personnelle, physique et de sexe surtout de madame Macron et je peux vous dire, il y a un mensonge d’État absolument prodigieux. À savoir que, madame Macron, en réalité, est Jean-Michel Trogneux. Son frère s’appelle Jean-Michel Trogneux. Mais en réalité, ils ne sont qu’une seule et même personne ».
Problème : cette vidéo de C8 relayée sur les réseaux sociaux en masse en ce début de février 2025 a été tronquée.
Un extrait coupé sur le début…
Dans l’émission de Cyril Hanouna du 12 septembre 2024, l’avocat en question, Roland Perez n’a fait que résumer l’histoire du procès de deux femmes, condamnées le jour même pour diffamation pour avoir assuré à de nombreuses reprises que Brigitte Macron serait une femme transgenre et qu’elle s’appellerait Jean-Michel Trogneux.
Dans la vidéo en entier, l’avocat-chroniqueur commence par mettre du contexte. « On est le 10 décembre 2021, quand une certaine médium, […] Amandine Roy, [qui] a une chaîne qui est bien installée sur YouTube […]. Un jour, elle va donner la parole pendant quatre heures à une autre personne qui se présente comme journaliste indépendante. Elle dit : “j’ai jamais fait d’études de journalisme, mais je suis journaliste indépendante et j’ai enquêté pendant trois ans sur la réalité de la situation personnelle, physique et de sexe surtout de madame Macron”. »
Autrement dit, il rapporte simplement les propos de cette « journaliste », qui n’est autre que Natacha Rey, qui est la seconde personne, avec Amandine Roy (qui est un pseudo), qui a été condamnée dans cette affaire de diffamation.
… Mais aussi tronquée à la fin
La vidéo n’est pas seulement tronquée au début, mais à la fin aussi. En effet, la vidéo partagée en masse s’arrête sur cette phrase : « ce qui a été demandé, notamment, c’est que tous les magistrats soient récusés ; aucun magistrat ne pouvait juger de cette affaire dans la mesure où le président Macron, c’est lui qui nomme les magistrats […]. Dans la mesure où il est le mari de la victime et le beau-frère de l’autre victime (le frère), alors il faut récuser tous les magistrats et donc cette affaire ne sera jamais jugée ».
Là encore, l’avocat ne parle pas en son nom, mais reprend l’argumentaire des plaignantes. Pourtant, certains internautes y ont vu la main d’Emmanuel ou Brigitte Macron qui auraient été prêts à tout pour protéger cette dernière : « visée dans une affaire judiciaire, Macron révoque tous les magistrats », assure une internaute.
Sauf que c’est faux sur plusieurs points.
Tout d’abord, c’est bien la défense d’Amandine Roy et Natacha Rey qui ont fait cette demande de récuser les magistrats pour pouvoir retarder la tenue du procès. Cela n’a donc rien à voir avec Brigitte Macron.
Ensuite, Emmanuel Macron ne nomme pas « tous les magistrats », mais bien les procureurs de la République. Les juges d’instruction, par exemple, sont des magistrats, mais sont indépendants du pouvoir politique.
Enfin, dans cette affaire, aucun magistrat n’a été révoqué et le procès a bien eu lieu. Pour le savoir, il suffit de regarder la suite de la vidéo (tronquée sur les extraits partagés sur les réseaux sociaux). Roland Perez raconte la fin de l’histoire. « Le premier président de la cour d’appel a répondu immédiatement en disant : “Non pas du tout, vous mettez en cause l’objectivité des magistrats, il n’en est pas question”. »
Les deux femmes condamnées pour diffamation
Le procès s’est tenu le 12 septembre dernier à la 17ᵉ chambre correctionnelle de Paris. Les deux femmes ont été condamnées pour diffamation, à une amende de 500 euros avec sursis, ainsi qu’à payer un total de 8 000 euros de dommages et intérêts à Brigitte Macron, et 5 000 euros à Jean-Michel Trogneux.
Dans le jugement, rapporté par le journal Le Nouvel Obs, le tribunal a récusé la bonne foi des prévenues. « Les éléments qu’elle produit ainsi au soutien de la base factuelle émanent de sa propre construction, toute subjective, et de la conviction qu’elle s’est elle-même forgée sur la base de données objectives dont elle dénature le sens pour servir la démonstration qu’elle entend faire […] En l’absence de base factuelle et de toute prudence dans l’expression, le bénéfice de la bonne foi ne peut lui être accordé. »
Les Surligneurs ont déjà consacré plusieurs articles à cette rumeur transphobe et sexiste, comme ici et là.