Non, ces infractions n’entreront pas en vigueur en juillet
Dernière modification : 1 juillet 2024
Autrice : Maylis Ygrand, étudiante à l’École publique de journalisme de Tours
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Gladys Costes, étudiante en licence de Science politique à Lille
Source : Publication Instagram, le 22 juin 2024
Interdiction d’écouter de la musique au volant, de nettoyer sa voiture chez soi, d’installer une caméra à l’extérieur ou encore de fumer et de vendre des puffs… voici les infractions qui devraient entrer en vigueur en juillet, selon un post publié le 22 juin 2024, sur Instagram. Bien que certains de ces actes soient déjà répréhensibles, d’autres ne le sont pas et ne le seront pas plus en juillet.
“Tout ce qui sera interdit en France à partir de ce mois de juillet 2024”, titre une vidéo Instagram, publiée le 22 juin 2024. S’ensuit alors un florilège de prétendues nouvelles infractions. Interdictions “d’écouter de la musique” au volant, de nettoyer sa voiture chez soi, d’installer une caméra à l’extérieur de son habitation ou encore de fumer ou de vendre des puffs. Et les sanctions pleuvent “35€”, “450€”, “45 000€”…ainsi qu’une récompense concernant la dénonciation d’ “un consommateur ou [d’]un vendeur” de puffs. “800€”, rien que ça !
En tant que média avec une appétence pour le droit, ces allégations ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. En deux temps trois mouvements, les Surligneurs contactaient l’auteur de la publication pour en savoir plus sur ces sources. Pas de réponse.
Alors comme “nul n’est censé ignorer la loi”, nous avons, pour vous, feuilleté les codes.
MIEUX VAUT PRÉVENIR QUE GUÉRIR
Comme à son habitude, le gouvernement se plaît, avant le 1er de chaque mois, à nous faire part de ce qui changera à cette date fatidique.
Simplification du diagnostic de performance énergétique, encadrement de la réduflation (ou “shrinkflation” est le fait de baisser la quantité d’un produit sans en changer le prix, ndlr), hausse du tarif de distribution du gaz naturel, élections législatives…Pour le 1er juillet 2024, le programme est donc bien chargé, mais nulle trace des infractions précitées. Le gouvernement se permettrait-il d’en créer de nouvelles sans prévenir la population ? Ce n’est pas le genre de la maison.
Pour en avoir le cœur net, nous nous sommes donc plongés dans les différentes réglementations qui encadrent les comportements décrits par l’auteur de la publication.
MUSIQUE, ET QUE TOUT LE MONDE SE METTE À L’ARRÊT !?
Il y a de ces fake news qui ont la peau dure. À peine, avions-nous clos le sujet de la prétendue interdiction d’écouter de la musique au volant, la semaine dernière, que nous y voilà à nouveau confrontés. Paraît-il qu’à partir de juillet, “il sera strictement interdit d’écouter de la musique en conduisant”, nous alerte l’auteur du post.
Adieu donc les playlists conçues soigneusement à l’approche de votre prochain road trip. Le trajet se ferait désormais en silence. Mais pas de panique, cette interdiction absolue est fausse. En effet, il existe plusieurs cas de figures. Depuis 2015, il est “interdit aux conducteurs de porter à l’oreille tout dispositif susceptible d’émettre du son”, pointe le site de la sécurité routière. Loin d’être une nouveauté donc, nous fêtons les 9 ans de votre adieu aux écouteurs et casques dans la voiture.
Pour ce qui est d’une interdiction pure et simple d’écouter de la musique au volant, aucun article du Code la route ne dort dans les tiroirs. Il est toujours possible de miser sur votre portable ou votre meilleure autoradio.
Reste que comme nous le surlignons la semaine dernière, il ne faut pas pousser les décibels. L’article R.412-6 du Code de la route permet de sanctionner un automobiliste qui n’est pas “en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres”. Ce sera donc à l’appréciation des forces de sécurité.
Bien qu’un flou juridique subsiste donc dans certaines situations, il ne sera pas interdit d’écouter de la musique en conduisant à partir de juillet 2024.
DES LAVAGES DE VOITURES ENCADRÉS
À tous ceux qui chérissent leurs automobiles, l’internaute les prévient que “si vous nettoyez votre voiture chez vous, devant votre propre jardin ou votre porte”, cela serait sanctionné de 450 euros dès le mois prochain.
Pour le coup, rien de neuf sous le soleil. Le fait de laver sa voiture à l’eau et aux produits ménagers peut entraîner des pollutions des sols et de l’air. Or, selon le Code de l’environnement, si vous êtes coupables de “jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer […], directement ou indirectement, une ou des substances quelconques dont l’action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune”, la sentence peut monter à 2 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Si dans ce texte, le lavage de voiture n’est pas explicitement mentionné, on comprend aisément que des résidus d’hydrocarbures et de produits toxiques peuvent émaner de cette activité. L’interdiction formelle peut être inscrite dans certains règlements sanitaires de départements car c’est le cas pour celui de Paris depuis 1979. “Le lavage des voitures est interdit sur la voie publique, les voies privées ouvertes à la circulation publique, les berges, ports et quais ainsi que dans les parcs et jardins publics”. En vertu du décret du 21 mai 2003, si le règlement sanitaire n’est pas respecté, il est bien question d’une amende de 3e classe (maximum 450 euros).
Mais la sentence ne porte pas à proprement parler sur le lavage de votre voiture, elle porte sur la pollution qui peut en découler. Ainsi, il faut être excessivement précautionneux. Laver sa voiture chez soi sans trombes d’eau (si l’eau s’écoule dans les sols, elle peut transporter des résidus d’hydrocarbures) est possible s’il n’y a pas de règlement sanitaire dans votre ville qui l’interdit et dans la mesure où aucun produit toxique n’endommage l’environnement. En tout cas, il n’y aura rien de nouveau à ce sujet en juillet prochain.
UNE INTERDICTION QUI NE DATE PAS D’HIER
Toujours d’après l’internaute, il sera interdit, à partir de juillet, d’installer “une caméra chez vous en France à l’extérieur”. L’auteur de la publication a en fait un temps de retard, car c’est déjà chose faite.
Comme l’expliquait la Commission nationale de l’informatique et des libertés en juillet 2018 : “Les particuliers ne peuvent filmer que l’intérieur de leur propriété (par exemple, l’intérieur de la maison ou de l’appartement, le jardin, le chemin d’accès privé). Ils n’ont pas le droit de filmer la voie publique, y compris pour assurer la sécurité de leur véhicule garé devant leur domicile.”
De fait, si vous installez une caméra à l’extérieur de votre maison, il faut s’assurer qu’elle ne filme que votre propriété et non la voie publique ou la propriété d’autrui.
UN JOUR, L’INFRACTION VIENDRA
L’internaute conclut sa litanie d’infractions par l’interdiction des puffs et avance même qu’il existera, toujours à partir du mois prochain, “une récompense de 800€” si “tu dénonces un consommateur ou vendeur”.
Au pays de la délation, Les Surligneurs dénoncent une fake news.
Tout d’abord, oui, il existe bien une proposition de loi concernant l’interdiction des puffs en France. Le 21 mars 2024, réunis en commission mixte paritaire, les parlementaires se sont mis d’accord sur un texte final.
Cependant, l’article 24 paragraphe 3 de la directive de 2014 sur les produits du tabac dans l’Union européenne prévoit qu’ “un État membre peut également interdire une certaine catégorie de produits du tabac […] à condition que ces dispositions soient justifiées par la nécessité de protéger la santé publique.” Ainsi, comme prévu par cette directive, la Ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a notifié la Commission européenne à la suite de l’accord trouvé en commission mixte paritaire.
Reste à savoir maintenant si la Commission européenne donnera son aval. L’ayant donné à la Belgique, en mars dernier, cela semblerait plausible. Cependant, cette supposition ne peut mener à une affirmation telle qu’émise par l’internaute. Et encore moins, accompagnée d’une date.
Enfin, concernant la prétendue “récompense” en cas de dénonciation d’un consommateur ou d’un vendeur de puff, cette fausse information était déjà apparue sur les réseaux sociaux, quelques mois auparavant. Nos confrères de Franceinfo avaient alors prouvé que cette rumeur était fausse.
Ça l’est toujours, et cela le restera même si la proposition de loi finit par être adoptée puis promulguée car rien n’est mentionné sur une quelconque récompense en cas de dénonciation.
Ce post regroupe donc un gloubi-boulga d’infractions déjà existantes, fausses, imprécises ou encore futuristes. Le mois de juillet sera, certes, plein de surprises mais pas celles annoncées dans le post.
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