Non, Bruno Retailleau n’a pas annoncé vouloir imposer une loi criminalisant l’antisionisme
Autrice : Lili Pillot, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 10 octobre 2024
Après un discours devant l’Assemblée nationale, Bruno Retailleau a été accusé par plusieurs internautes de vouloir criminaliser la critique du sionisme. Si le ministre de l’Intérieur a bien pris position sur l’antisémitisme et l’antisionisme, aucun projet de loi de ce type n’a été déposé par le gouvernement de Michel Barnier.
Un an après le 7 octobre 2023, les femmes et hommes politiques français ont été nombreux à prendre la parole. Pour Bruno Retailleau notamment, ce fut un discours remarqué devant l’Assemblée nationale, le 8 octobre 2024.
En réponse à une question du député Rassemblement national Julien Odoul sur les actes antisémites, le ministre de l’Intérieur a voulu montrer sa fermeté au sujet de l’antisémitisme : “Jamais, nous ne tolérerons quoi que ce soit sur l’antisémitisme. […] L’antisionisme est une incroyable opportunité parce qu’il donne le droit d’être antisémite au nom de la démocratie. Et ça, jamais nous ne l’accepterons”.
Une prise de parole qui a fait bondir une poignée d’internautes qui y voient le souhait du Ministre d’imposer une loi interdisant la critique du sionisme. “Retailleau s’apprête à criminaliser ceux qui dénoncent les crimes de l’extrême droite israélienne, messianiste, suprémaciste et raciste”, s’offusque l’un d’entre eux sur X.
“En France, Bruno Retailleau veut imposer une loi interdisant et criminalisant la critique du sionisme”, s’indigne un autre internaute sur Facebook.
Si chacun est libre d’apprécier ou de critiquer les prises de position de Bruno Retailleau au sujet de l’antisionisme, il est faux, et ce jusqu’à preuve du contraire, d’affirmer que le ministre de l’Intérieur souhaite criminaliser ce courant de pensée.
Ancienne proposition de loi d’un sénateur
Lorsqu’on se rend sur le site vie publique, on accède rapidement aux propositions et projets de lois déposés et discutés récemment. On y retrouve notamment le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 ou encore le projet de loi de finances pour la même année, mais aucun ne concerne une quelconque criminalisation de l’antisionisme.
Contacté, le ministère de l’Intérieur n’a pas répondu à nos sollicitations.
Pour en savoir plus, nous avons donc approché un des internautes critiques de la position de Bruno Retailleau. D’où vient cette idée que l’actuel ministre de l’Intérieur voudrait “criminaliser” la critique du sionisme ?
Contacté sur Facebook, l’auteur d’une des publications nous renvoie vers l’intervention de Bruno Retailleau devant l’Assemblée nationale et une capture d’écran d’une proposition de loi intitulée “pour compléter le cadre pénal sanctionnant l’antisionisme”.
Comme l’indique son statut, cette proposition n’émane pas d’une initiative gouvernementale, mais d’un parlementaire (un projet de loi est l’œuvre du gouvernement, une proposition de loi du Parlement). Et elle ne date pas d’hier.
En l’occurrence, il s’agit de Stéphane Le Rudulier, sénateur Les Républicains (LR), qui a déposé ce texte, au Sénat, le 10 octobre 2023… près d’un an avant l’entrée de Bruno Retailleau au gouvernement.
Par ailleurs, si le nouveau ministre de l’Intérieur siégeait à l’époque au Sénat dans le groupe Les Républicains, rien ne permet d’affirmer qu’il soutenait la proposition de Stéphane Le Rudulier : “Il n’a pas participé à la rédaction de ce texte”, assure aux Surligneurs, Stéphane Le Rudulier.
Une information confirmée par le service presse du Sénat, contacté par mail. “Bruno Retailleau n’apparaît pas comme l’un des signataires de ce texte.”
Concernant cette proposition de loi, elle a finalement été intégrée à une autre, présentée le 1ᵉʳ octobre 2024 par l’actuel sénateur LR. À l’article 5 de cette nouvelle proposition de loi, intitulée “pour consacrer la lutte contre l’antisémitisme”, les législateurs proposent de créer un délit d’antisionisme. “Le fait de contester l’existence de l’État d’Israël en remettant en cause le droit de la population israélienne à jouir souverainement, sous l’autorité effective d’un gouvernement, d’un territoire déterminé constitue une contestation antisioniste qui est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.”
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