Nicolas Sarkozy n’a-t-il vraiment pas eu droit à un ordinateur en prison, contrairement à Salah Abdeslam ?
Autrice : Maylis Ygrand, journaliste
Relecteurs : Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal à l’Université de Lorraine
Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 7 novembre 2025
Certains internautes affirment que Nicolas Sarkozy n’avait pas droit à un ordinateur en prison, alors que Salah Abdeslam, le seul survivant des commandos des attentats du 13 novembre 2015, y a eu accès. C’est faux, l’ancien président de la République n’a pas demandé à en acquérir. Pourtant, comme presque tout détenu, il avait théoriquement le droit d’en avoir un.
Deux poids, deux mesures ? « Vous avez un ancien président de la République qui est en prison qui n’a pas le droit à un ordinateur et vous avez le tueur, le terroriste, le plus sanglant quasiment de l’histoire de France, qui a un ordinateur ! », s’insurge Pascal Praud sur CNews le 7 novembre dernier.
Mardi 4 novembre, à quelques jours des commémorations des attentats du 13 novembre 2015, la nouvelle tombe. Salah Abdeslam, seul survivant des commandos des attentats, est placé en garde à vue. Au sein de la prison de Vendin-le-Vieil dans laquelle il est actuellement incarcéré, il est suspecté d’avoir eu en sa possession quatre clés USB, dont l’une au moins contenant de la propagande djihadiste. Pour les lire, il aurait utilisé un ordinateur portable dont il disposait.
Au même moment, Nicolas Sarkozy démarre sa troisième semaine d’incarcération à la prison de la Santé. Sur les plateaux comme sur les réseaux sociaux, certains crient au scandale. « Sarkozy, présumé innocent, a droit juste à trois livres » quand « Abdeslam, terroriste, a droit à un ordinateur », s’énerve un internaute.
Mais la comparaison est vaine. En effet, Nicolas Sarkozy n’a pas demandé à avoir un ordinateur portable en prison. Or, c’est un droit qui se réclame. Explications.
Un ordinateur non connecté à l’extérieur
En novembre 2024, Salah Abdeslam fait légalement l’acquisition d’un ordinateur portable en prison, d’après Le Monde.
En vertu de l’article R. 332-41 du Code pénitentiaire, « chaque personne détenue peut acquérir, par l’intermédiaire de l’administration et selon les modalités qu’elle détermine, des équipements informatiques ». Autrement dit : toute personne incarcérée peut en théorie acquérir un ordinateur.
Pour ce faire, elle doit d’abord demander l’autorisation au chef de l’établissement pénitentiaire. Puis, comme l’indique le guide du détenu arrivant, publié en 2024, il lui est alors possible d’en acheter un dans la liste des matériels sélectionnés par la prison.
Mais si les PC sont donc admis en milieu carcéral, il est par contre interdit qu’il soit connecté avec l’extérieur. Il est ainsi, par exemple, prohibé d’avoir Internet dans sa cellule.
En l’occurrence, à en croire les retours de ses proches et de ses avocats publiés dans la presse, l’ordinateur de Salah Abdeslam lui servait à suivre des cours. Cette situation est conforme à l’article R. 332-41, qui prévoit que le support informatique peut contenir des documents « liés à des activités socioculturelles, d’enseignement, de formation ou professionnelles ».
Par contre, si l’affaire des clés USB est avérée, le terroriste aurait outrepassé son droit, ce qui peut donner lieu à des sanctions disciplinaires et potentiellement à des poursuites pénales en fonction de leur contenu. Pour l’instant, conformément au Code pénitentiaire, l’ordinateur semble lui avoir été confisqué « pour des raisons d’ordre et de sécurité ».
Une exception au droit d’acquérir un ordinateur
Lorsque Salah Abdeslam a demandé à acquérir un ordinateur, tout détenu avait le droit de faire cette demande. Ce n’est désormais plus le cas. Depuis l’entrée en vigueur de l’article R. 224-30 du Code pénitentiaire, le 10 juillet 2025, les personnes détenues dans les quartiers de lutte contre la criminalité organisée « ne peuvent acquérir ni détenir en cellule des équipements informatiques ».
Or, Nicolas Sarkozy n’était pas enfermé dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée. Il aurait donc pu demander au chef de la prison de la Santé s’il pouvait acquérir du matériel informatique. Mais ce n’est pas le cas selon Jean-Michel Darrois, un des avocats de l’ancien président de la République. « [Nicolas Sarkozy] n’avait pas d’ordinateur et n’en a pas demandé », a-t-il affirmé aux Surligneurs.
Sollicité par la rédaction, l’établissement pénitentiaire de la Santé ne nous avait pas encore répondu lors de la publication de cet article.
