Mort de Nahel M. : Refus d’obtempérer, légitime défense… quand un policier peut-il utiliser son arme ?

Création : 4 juillet 2023

Cet article est une republication d’un article du 22 juin 2022, mis à jour le 4 juillet 2023.

Autrice : Laurène Blanquefort, master de droit européen des affaires, Université Paris-Est-Créteil

Relectrice :  Audrey Darsonville, professeure de droit pénal, Université Paris Nanterre

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Secrétariat de rédaction : Charles Denis et Yeni Daimallah

On entend ces derniers jours parler de ’“refus d’obtempérer” et de « légitime défense », ce qui peut entraîner l’usage de leurs armes par les forces de l’ordre, justifié sous conditions précises. Examinons les hypothèses.

Depuis la mort de Nahel M. le 27 juin 2023 et les émeutes qui ont secoué plusieurs communes en France les cinq jours qui ont suivi, soutiens du policier impliqué selon la vidéo circulant sur internet et soutiens de la famille de la victime se renvoient des arguments sur la légitime défense et le refus obtempérer. Sur CNEWS, un ex-policier affirme que « si le gars se barre, c’est qu’il a quelque chose à se reprocher« . De son côté le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a déclaré que « Le refus d’obtempérer ne donne pas un permis de tuer« . « Aucun policier n’a le droit de tuer. Sauf légitime défense« , a réagi pour sa part Jean-Luc Mélenchon, ancien candidat à la présidentielle.

Les Surligneurs vous expliquent quelques notions pour mieux comprendre. Il faut rappeler néanmoins que Les Surligneurs n’ont pas eu accès au dossier, seule la justice a donc connaissance des faits. Rappelons au moins le cadre légal de l’utilisation de leur arme par les forces de l’ordre, afin de mieux comprendre les débats sur la légitime défense des policiers et le refus d’obtempérer.

Le refus de se soumettre à un contrôle de police

Il peut arriver qu’un conducteur refuse de se soumettre à un contrôle de police et cela est qualifié de refus d’obtempérer. Cette première situation est définie par le Code de la route comme le fait pour un conducteur de ne pas obéir à une sommation de s’arrêter d’un policier muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité. Il faut donc que l’agent soit identifiable en tant que membre des forces de l’ordre, et que la sommation de s’arrêter soit, selon la jurisprudence, sans équivoque de sorte que le conducteur comprenne qu’il s’agit d’un contrôle de police. Le refus d’obtempérer est puni de deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

Ce type de refus d’obtempérer fait partie d’un ensemble d’infractions dites d’opposition au contrôle des forces de l’ordre, qu’on ne confondra pas avec le délit de fuite ou encore le refus de vérification de l’état alcoolique. Selon un rapport de l’Observatoire interministériel de la sécurité routière, ces différentes oppositions au  contrôle se produisent en moyenne toutes les 15 ou 20 minutes en France. 

Au delà du refus d’obtempérer, il existe d’autres situations dans lesquelles les forces de l’ordre peuvent faire usage de leur arme : l’atteinte ou la menace sur leur vie ou à leur intégrité physique ou celle d’autrui et le risque de réitération dans un temps rapproché de meurtres ou tentatives de meurtres venant d’être commis. On pense alors aux attentats comme la France en a connus.

La réaction des forces de l’ordre

En réponse à un refus d’obtempérer, les forces de l’ordre peuvent faire usage de leur arme sous certaines situations précises. Le Code de la sécurité intérieure prévoit que les agents de police, identifiables, “peuvent […] faire usage de leurs armes en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée”. Parmi les situations prévues par ce texte il y a notamment le fait pour les forces de l’ordre d’être dans l’incapacité d’immobiliser une personne autrement que par l’usage des armes, ce qui peut être le cas lorsqu’un conducteur n’obtempère pas à l’ordre d’arrêt et représente un risque d’atteinte à sa propre intégrité physique ou à celle d’autrui.

Le code pose ainsi trois conditions pour les forces de l’ordre : être identifiable, se trouver dans une situation d’absolue nécessité et agir de manière strictement proportionnée. Chaque fois qu’il y aura une enquête en raison de tir des forces de l’ordre, il faudra vérifier au cas par cas si la situation était d’absolue nécessité et leur réaction strictement proportionnelle. Par ailleurs, le juge ajoute comme exigence le caractère actuel de la menace.

Le cas de la légitime défense

Outre les cas d’autorisation de faire usage de leur arme, les agents de la police nationale bénéficient également de la justification par la légitime défense. La légitime défense fait partie des faits que l’on appelle “justificatifs”, c’est-à-dire susceptibles de justifier une infraction, comme le fait de tirer, en cas de nécessité. Effectivement, lorsqu’un fait justificatif est démontré, l’auteur d’une infraction (par exemple tuer ou blesser par balle) n’est pas tenu responsable et ne pourra pas être puni du fait de cette infraction.

Mais tout n’est pas légitime défense : il faut une atteinte injustifiée envers l’agent ou autrui, qui oblige à accomplir dans le même temps, un acte commandé par la nécessité, mais qui doit rester proportionné à la menace (on ne tire pas par exemple sur une personne non armée). On retrouve bien les critères précédents de nécessité, du caractère actuel, et de la proportionnalité.

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