“Moi (président ?), je n’appliquerai plus aucune directive contradictoire au programme sur lequel les gens m’auront élu”. Jean-Luc Mélenchon nous fait radoter…
Dernière modification : 24 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Source : Dimanche en Politique, France 3, 14 novembre 2021, 20’
Notre premier surlignage portait déjà sur une volonté affichée de ne pas respecter le droit de l’Union européenne. Ce surlignage-ci ne sera pas le dernier, pour montrer que le droit de l’Union se respecte, se négocie ou se quitte. Il faut simplement le dire clairement aux électeurs.
Le 3 janvier 2017, date de naissance officielle des Surligneurs, nous avions déjà surligné Manuel Valls, alors Premier ministre, affirmant sans ambages : “il faudra dire que la France n’applique plus cette directive”. Et puis il l’a appliquée.
Depuis 2017, nous avons dû rappeler une bonne trentaine de fois que le droit de l’Union européenne devait être respecté, car il prime sur le droit interne (pour énième rappel, la décision Costa contre ENEL de 1964 de la Cour de justice de l’Union européenne, les articles 55 et 88-1 de notre Constitution), ce que même nos juridictions reconnaissent (les fameuses décisions Nicolo de 1989 et Cafés Jacques Vabre de 1975).
En 2017, nous avions titré “Impossible”. Ce “tag” nous avait valu bien des reproches : empêcheurs de tourner en rond, vilains conservateurs. On nous a aussi reproché notre “suffisance” de juristes (ce qui, il est vrai, n’est pas toujours faux mais ne nous égarons pas…). Alors nous ferons œuvre d’humilité.
Oui, Monsieur Mélenchon et tant d’autres candidats, si vous êtes élus, vous n’appliquerez pas les directives européennes qui vous gênent. C’est possible. Mais alors vous voudrez bien répondre à quelques-unes de nos humbles questions.
Êtes-vous prêts à payer, sur le dos du contribuable, les pénalités financières auxquelles la Cour de justice condamnera la France chaque fois qu’elle ne respectera pas une directive ? C’est vrai que cela ne vous fait pas peur, la France a déjà été condamnée par la Cour de justice pour ne pas avoir obligé nos pêcheurs à appliquer une directive sur la taille des mailles de filets de pêche (avec pour conséquence une surpêche). C’était en 1991. Puis en 2005, face à la mauvaise volonté française, la Cour de justice condamna la France à une astreinte de 57 761 250 euros pour chaque période de six mois de retard à s’exécuter. Libre à vous de faire supporter cela au contribuable, mais il faut le dire.
Êtes-vous prêts, si vous ne souhaitez pas appliquer une directive, à la renégocier avec les autres États membres, pour la conformer à votre programme électoral ? C’est aussi une solution, mais dites à vos électeurs que cela pourrait prendre bien plus de temps que la durée du mandat présidentiel, et que cela bloquera si les autres États ne sont pas d’accord.
Êtes-vous prêts à négocier des dérogations au droit de l’Union pour la France ? C’est une autre solution. Mais alors tous les autres États revendiqueront le bénéfice de ces dérogations, et nous ne tirerions aucun bénéfice de notre propre exception. Libre à vous aussi, mais il faut le dire.
Êtes-vous prêts, si certaines directives fondamentales, comme celles sur la libre circulation au sein de l’Union européenne, sont contraires à votre programme, à quitter cette Union ? Après tout, c’était tellement mieux avant l’Europe. Les Français roulaient en Renault, les Allemands en Volkswagen et les Italiens en Fiat, on avait le Minitel, et tout allait bien. Il faut aussi le dire.
Enfin, êtes-vous prêts à museler nos juges internes, qui condamnent systématiquement l’État à indemniser en cas de non-respect du droit de l’Union ? Il faudra pour cela violer la Constitution, ou la réviser et donc violer le droit de l’Union.
Le droit de l’Union européenne, ça se respecte, ou alors ça se négocie, ou alors ça se quitte. Il faut seulement le dire clairement et ne pas prendre l’électeur pour… pardon ! Nous nous égarons encore.
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