Michel Barnier (LR) appelle à « stopper les regroupements familiaux »

Création : 17 mai 2021
Dernière modification : 22 juin 2022

Autrice : Elina Guesnon, master de Politiques de Coopération Internationale, Sciences Po Saint-Germain en Laye

Relectrice : Tania Racho, docteure en droit européen, Université Paris II Panthéon-Assas

Source : RTL, Le Grand Jury, 9 mai 2021, 17'

Le regroupement familial étant prévu à la fois par notre Constitution et par le droit européen il est impossible de le suspendre ou de le supprimer. D’autant plus que le Conseil d’État a déjà censuré récemment une décision du gouvernement visant à interrompre la délivrance de visas de regroupement familial.

Michel Barnier, ancien négociateur du Brexit pour l’Union européenne, souhaite un moratoire pour ‘’évaluer les politiques et procédures’’ en matière migratoire. Il a précisé que les regroupements familiaux seraient stoppés pour ‘’remettre à plat’’ la politique migratoire française et créer un consensus national. Or suspendre le droit au regroupement familial est impossible, car c’est une violation de la Constitution et du droit de l’Union européenne, ce qui a été réaffirmé plusieurs fois par les juges.

Tout d’abord, Michel Barnier précise que “stopper” le regroupement familial serait nécessaire pour revoir les procédures de délivrance des visas de regroupement familial. “Stopper” n’ayant pas de signification juridique, soit il souhaite suspendre le regroupement familial, c’est-à-dire ne pas appliquer le droit au regroupement mais sans modifier les textes, soit il souhaite supprimer le droit au regroupement, c’est-à-dire modifier les textes. 

La suspension paraît impossible, en tant que cela reviendrait à refuser d’appliquer un droit légal dont tout un chacun peut revendiquer l’application. Le regroupement familial est prévu par la Constitution de notre pays, par le droit européen, et le Conseil d’État a déjà jugé que ce droit ne pouvait être suspendu, car cela revient à méconnaître le droit à une vie familiale normale. C’était en janvier 2021, lorsque le Conseil d’État avait censuré ‘’la décision du Gouvernement d’interrompre, en raison de l’épidémie de covid-19, la délivrance de visas de regroupement familial aux conjoints et enfants d’étrangers non-européens résidant en France’’. 

La suppression pure et simple du droit au regroupement, même provisoire, est impossible, puisque le  droit à une vie familiale normale est garanti par la Constitution comme l’a rappelé le Conseil Constitutionnel en 1993. Plus précisément, le droit au regroupement familial est fondé sur l’alinéa 10 du préambule de la Constitution de 1946 qui indique : ‘’La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement’’. Pour le Conseil Constitutionnel, les étrangers bénéficient des mêmes droits familiaux que les nationaux. Interdire le regroupement familial est donc contraire à la Constitution. 

Enfin, le regroupement familial est aussi protégé par le droit européen, à travers une directive de 2003, et le droit au respect de la vie familiale trouve aussi une base dans la Convention européenne des droits de l’homme (article 8). 

Suspendre le regroupement familial impliquerait donc de modifier le Préambule de la Constitution de 1946, de sortir du Conseil de l’Europe (et donc de la CEDH), et peut-être même de l’Union européenne. Au regard de l’ampleur de la tâche, Michel Barnier, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, ne peut donc pas supprimer ce droit, ni le suspendre, du moins pas pour les raisons qu’il indique.

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