Manuel Valls veut « suspendre le regroupement familial et les mariages, principale source de l’immigration et de la constitution de ghettos »
Dernière modification : 27 juin 2022
Autrice : Lili Aribo, master Droits de l’Homme et Union européenne, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Relectrice : Tania Racho, docteure en droit européen, Université Paris II Panthéon-Assas
Source : Europe 1, Le Grand Rendez-Vous, 19 décembre 2021, 29’
Pour la énième fois, le droit au regroupement familial est fondamental et protégé par la Constitution comme le droit européen. Il a même été créé pour les étrangers… Quant au droit au mariage, l’amour n’a pas de nationalité non plus…
Dimanche 19 décembre sur Europe 1, l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls a déclaré vouloir stopper l’immigration, estimant que la France devait “reprendre le contrôle de la politique migratoire”. Selon lui, ce contrôle doit passer par la suspension du regroupement familial et du mariage entre français et étrangers.
Cette volonté de Manuel Valls de stopper l’immigration familiale, commune à de nombreuses autres personnalités politiques (Michel Barnier, Eric Zemmour, Christian Estrosi, Ludovic Pajot), se heurte à un sérieux obstacle juridique. Les juges français et européens protègent le principe du “droit à une vie familiale”, lui-même protégé par le Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme.
Le regroupement familial est un droit fondamental protégé
Rappelons donc pour la énième fois que le regroupement familial est un droit pour les personnes, hors citoyens de l’Union européenne, d’entrer et de séjourner dans un pays dont elles ne sont pas ressortissantes, mais où des membres de leur famille résident légalement ou dont ils possèdent la nationalité, afin de maintenir l’unité familiale. Ce droit est protégé par la Constitution française (alinéa 10 du préambule de la Constitution de 1946), qui crée une obligation pour l’État d’assurer le développement de la famille. Le Conseil constitutionnel s’est fondé sur cette disposition en 1993, pour considérer que tout individu avait le droit de mener une vie familiale normale, qu’il soit étranger ou français. De plus, la directive de 2003 prévoit et encadre le regroupement familial, et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit au respect de la vie privée et familiale.
C’est pourquoi la Cour européenne des droits de l’Homme a déjà condamné la France en 2014, estimant que « l’unité de la famille est un droit essentiel du réfugié et le regroupement familial est un élément fondamental pour permettre à des personnes qui ont fui des persécutions de reprendre une vie normale”.
Plus récemment, le Conseil d’État en janvier 2021 a suspendu la décision du Premier Ministre “d’interrompre, en raison de l’épidémie de covid-19, la délivrance de visas de regroupement familial aux conjoints et enfants d’étrangers non-européens résidant en France”, estimant que cette décision portait une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale normale et à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Ajoutons que la ministre danoise de l’immigration et députée au Parlement Inger Stojberg a d’ailleurs été condamnée mardi 21 décembre à soixante jours d’incarcération pour avoir ordonné la séparation de couples de demandeurs d’asile. Le Parlement danois a également voté à majorité en faveur de son exclusion immédiate de l’hémicycle.
Le droit de se marier ne distingue pas selon la nationalité
Le droit au mariage est également un droit fondamental protégé par le droit européen (article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne), qu’il soit célébré entre deux Français ou entre un Français et un étranger. Si la loi française prohibe déjà strictement les unions de complaisance, le Conseil Constitutionnel n’a pas manqué de rappeler qu’un étranger, même en situation irrégulière, peut se marier.
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