Mais, en fait, comment fonctionnent les retraites en France ?
Dernière modification : 21 juin 2022
Autrice : Laurène Blanquefort, master de droit européen des affaires, Université Paris-Est Créteil
Relecteur : Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS, Laboratoire Droit et Changement social, Nantes Université
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Yeni Daimallah
Ce qui intéresse le futur retraité n’est pas seulement l’âge de départ : il doit tenir compte de la durée de cotisation (les fameux trimestres), du régime dont il dépend pour connaître le “taux de liquidation”, et quelques autres subtilités pour savoir, au bout du compte, combien il touchera une fois en retraite. Explications.
Dans la campagne électorale qui s’achève, comme pendant le mandat d’Emmanuel Macron, il a régulièrement été question du régime des retraites en France. Sont ainsi souvent évoqués âge du départ à la retraite, annuités, régimes spéciaux… Ces termes reviennent dans le débat public, mais est-on complètement certain de leur sens ? Concrètement, comment fonctionnent les retraites en France ?
Des régimes “éparpillés façon puzzle”
En France, il vaut mieux parler des retraites au pluriel parce qu’il y a en réalité différents régimes selon le statut du travailleur : salariés de l’industrie, du commerce et des services, salariés agricoles, non-salariés (artisans, commerçants, industriels), secteur public, et les régimes spéciaux (marins, militaires, cultes, Opéra de Paris, SNCF, RATP…). Par ailleurs, chaque régime de retraite comporte en lui-même un ensemble de composantes : il y a le régime de la “retraite de base” dont le calcul repose sur la durée de cotisation, ce que nous verrons plus tard, et le régime de la “retraite complémentaire” qui repose sur un cumul de points. Ces deux premières composantes sont obligatoires. À côté d’elles se trouvent, en outre, des régimes additionnels, facultatifs cette fois.
Pour chacun des régimes, une caisse autonome est responsable de la prise en charge des cotisations. Pour compliquer les choses, certaines professions ont une caisse pour la retraite de base différente de la caisse pour la retraite complémentaire, tandis que pour d’autres professions, il existe une caisse unique. Par exemple, un salarié de l’industrie, du commerce et des services cotise à la fois auprès de la CNAV au titre de la retraite de base, et de l’AGIRC-ARRCO au titre de la retraite complémentaire. À l’inverse, un exploitant agricole cotisera pour la retraite de base et la retraite complémentaire auprès d’une seule institution, la MSA.
Un grand principe commun : la solidarité
Le premier grand principe des retraites en France est la solidarité. Celle-ci prend plusieurs formes.
D’abord, le système français est fondé sur un principe de répartition. Cela signifie que les cotisations des actifs d’une année donnée servent à financer les pensions des retraités de cette même année. L’équilibre financier de ce système dépend donc du nombre d’actifs, cotisants, et du nombre de retraités. Ce régime de répartition a été instauré en 1945 et se distingue des modèles de capitalisation dans lequel chacun épargne pour financer sa propre retraite.
Ensuite, les retraites reposent sur des mécanismes de redistribution au sein même de chaque génération entre les différentes catégories socio-professionnelles et les sexes, intégrant les aléas de carrière, prenant en compte les périodes peu ou pas travaillées, accordant des avantages liés à la famille (prise en compte du congé de maternité dans les périodes cotisées, majoration de la pension pour les parents de trois enfants…), ou le versement de pensions de réversion au conjoint survivant.
Des compensations entre régimes sont également fréquentes, c’est-à-dire des transferts financiers entre les régimes excédentaires et ceux qui sont déficitaires (entre par exemple le régime général des salariés et celui des agriculteurs). Ce sont donc des formes de solidarités entre régimes. Elles permettent de tenir compte des évolutions démographiques de chaque catégorie socio-professionnelle, en particulier lorsqu’il y a déséquilibre entre le nombre de cotisants et celui des retraités, ce qui rend le régime en question déficitaire.
Enfin, la solidarité nationale prend également la forme d’un minimum vieillesse, devenu en 2006 l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), attribuée à toutes les personnes âgées qui disposent de faibles ressources. Cette allocation est financée par le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Cette solidarité prend également la forme de subventions de l’État attribuées à certains régimes déficitaires (exploitants agricoles, mineurs, marins…).
L’âge de départ, autre principe commun… avec ses exceptions
L’âge légal de départ à la retraite est fixé de manière générale à 62 ans pour les assurés nés à partir de 1955, qu’il s’agisse de salariés, indépendants ou agents publics. Il existe des exceptions permettant un départ plus tôt, pour les salariés ayant eu des carrières longues c’est-à-dire ayant commencé à travailler avant 20 ans voire avant 16 ans, ou ayant accompli des travaux pénibles. L’âge de la retraite est alors de 60 ans, voire avant sous certaines conditions. Pour les personnes handicapées qui ont travaillé, il est possible de partir à la retraite à partir de 55 ans sous conditions de durée d’assurance retraite.
Il faut aussi mentionner les régimes du secteur public : on y distingue les emplois sédentaires (ne présentant pas de risque particulier ou de fatigue exceptionnelle), avec une retraite à 62 ans, des emplois de la catégorie active (présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles dont l’âge de départ est de 57 ans voire 52 ans pour certains policiers, les surveillants de l’administration pénitentiaire, les égoutiers, les contrôleurs aériens). Pour les agents publics contractuels (c’est-à-dire non fonctionnaires), les exceptions à l’âge de départ de 62 ans, sont identiques à celles dont bénéficient les salariés du secteur privé (carrières longues, emplois pénibles et travailleurs handicapés).
L’âge de départ à la retraite est un des sujets au cœur des débats de l’entre deux tours car les deux candidats s’opposent : Emmanuel Macron souhaite repousser l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans (64 ans selon les dernières déclarations) progressivement, tandis que Marine Le Pen veut maintenir cet âge à 62 ans.
La durée minimale de cotisation… en constante évolution
C’est une troisième exigence pour entrer en retraite à taux plein : avoir cotisé pendant une certaine durée. Partir à la retraite n’est en effet pas qu’une question d’âge, c’est aussi une question de durée de cotisation pour calculer la pension qui sera perçue jusqu’à la fin de ses jours. Dans le système de retraite français, cette durée se calcule en nombre de trimestres. Actuellement, que l’on soit salarié privé ou agent public, ce nombre évolue en fonction de l’année de naissance. Pour les travailleurs nés entre 1955 et 1957, 166 trimestres cotisés (41 ans et 6 mois) sont nécessaires. Pour ceux nés entre 1958 et 1972, un trimestre supplémentaire est exigé tous les trois ans, pour aboutir à une cotisation de 172 trimestres (43 ans) pour les personnes nées à partir de 1973. Des trimestres peuvent être accordés pour une femme ayant eu des enfants (avec partage des trimestres possibles entre parents pour les enfants nés ou adoptés après 2010), pour congé parental ou pour avoir élevé un enfant handicapé.
Débattre sur l’âge de la retraite n’a donc pas de sens si on ne fixe pas le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir une pension à taux plein : c’est le problème du calcul de la retraite.
Ce n’était pas encore assez compliqué ? Voici le “taux de liquidation”
Si l’âge légal et les trimestres de cotisations exigés sont communs, il reste une dernière variable à intégrer : le taux de liquidation de la retraite. Ce taux est un pourcentage appliqué sur le revenu de référence de la personne qui part à la retraite, c’est-à-dire le salaire ou la moyenne de salaires qui seront pris en compte pour calculer le montant de la pension de retraite. Il faut donc déterminer le revenu de référence (ce qui a donné lieu à bien des débats), lui appliquer le taux de liquidation, ce qui donnera le montant de la pension de retraite de base (auquel s’ajoutera la pension de retraite complémentaire). L’idéal est de partir en retraite “à taux plein”. Celui qui part en retraite sans remplir toutes les conditions d’âge et de durée de travail, verra son taux de liquidation se réduire, et donc le montant de sa pension de retraite diminuer d’autant. Explication…
Ce “taux plein” de liquidation varie selon les régimes : il est de 100% du revenu de référence dans le régime des professions libérales, 75 % pour les fonctionnaires (80 % pour les fonctionnaires actifs) et 50 % pour les salariés du secteur privé, indépendants, travailleurs agricoles. Les cotisations salariales intègrent d’ailleurs ces différences : la cotisation vieillesse à la retraite de base d’un fonctionnaire est de 11,10% de son traitement (ou salaire) brut, celle d’un salarié est de 7,3% de son salaire brut dans la limite du plafond de la sécurité sociale (3428 euros par mois au 1er janvier 2022). C’est d’ailleurs ce faible taux de liquidation pour les salariés du secteur privé qui a conduit à la création de la retraite complémentaire obligatoire AGIRC pour les cadres en 1947, complétée par l’ARCCO pour les non cadres en 1961 : il s’agissait de réhausser les niveaux de pension de retraite, moyennant une cotisation supplémentaire à ce jour de 4,01% de la rémunération brute (avec une progressivité lorsque le salaire est supérieur au plafond de la sécurité sociale).
Lorsque la personne part en retraite avant d’avoir atteint ce taux plein, c’est-à-dire avant d’avoir tous ses trimestres ou avant l’âge légal fixé pour son année de naissance, son taux sera minoré par une “décote” : en conséquence, le montant de sa pension de retraite baissera également. Cette décote est de 1,25% par trimestre manquant, c’est-à-dire 5% par année manquante. Elle est toutefois limitée à 20 trimestres, soit 25%.
Certaines situations (pension d’invalidité, inaptitude au travail de 50%, mère de famille ayant élevé au moins 3 enfants, exercé un travail manuel ouvrier et au moins 120 trimestres) permettent d’avoir une retraite à “taux plein” dès 62 ans, indépendamment du nombre de trimestres. En outre, si une personne prend sa retraite à 67 ans, elle partira avec une pension à taux plein, quelle que soit sa durée de cotisation.
Et enfin, le calcul du montant de la pension de retraite…
Les méthodes de calcul dépendent donc des critères propres aux différents régimes. Nous nous limiterons ici au cas de la retraite de base, car la partie “complémentaire” est calculée selon un système de points qui dépend des montants cotisés par le salarié.
Pour un agent public, c’est le traitement indiciaire brut (autrement dit, le salaire brut) des 6 derniers mois de sa carrière qui sert de base de calcul. S’il a cotisé tous les trimestres attendus, il recevra donc, comme pension de retraite, 75 % de ce dernier traitement.
Pour un salarié du secteur privé, est pris en compte le revenu annuel moyen des 25 années les plus avantageuses de la carrière. Celui-ci est déterminé en calculant la moyenne des salaires bruts ayant donné lieu à cotisation au régime général. Tous les éléments de rémunération (salaire de base, primes, heures supplémentaires) et les indemnités journalières de maternité sont pris en compte. Il y a toutefois un plafond : si ces revenus annuels dépassent le plafond de Sécurité sociale de l’année considérée (3428 euros par mois au 1er janvier 2022), la fraction qui dépasse n’est pas prise en compte. Par ailleurs, si le nombre d’années d’activité est inférieur à 25, la moyenne sera celle des salaires bruts durant ces années.
En tenant compte de tous les éléments précédemment évoqués (âge légal, nombre de trimestres cotisés, taux de pension, donc éventuelles décotes…), le calcul de la retraite de base, à taux plein, pour un salarié du secteur privé se décline ainsi :
Moyenne des revenus des 25 meilleures années
X taux de la pension
X (nombre de trimestres validés/ nombre de trimestres exigés).
= montant de la pension de retraite
Au-delà de ce calcul, un minimum existe évidemment. La pension de retraite ne peut pas être inférieure à un certain montant qui varie selon les régimes, et donc le statut professionnel. Pour un salarié du secteur privé, ce montant est appelé “minimum contributif” : pour 120 trimestres cotisés au régime général ou plus, ce montant est de 713,11 euros par mois. Pour moins de 120 trimestres cotisés, il est de 652,60 euros par mois. Pour un fonctionnaire, ce minimum est appelé “minimum garanti” et dépend du nombre d’années de services accomplies en tant que fonctionnaire.. Pour un agent ayant 40 ans de service, il sera de 1 200,32 euros par mois. Mais, pour un agent né en 1960 et partant à la retraite après seulement 13 ans de services effectifs, ce minimum garanti sera de 373,75 euros.
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