L’Union européenne a-t-elle vraiment « volé » la souveraineté des États membres ?
Dernière modification : 26 décembre 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Ella Couet, étudiante en master de journalisme à Sciences-Po Paris
Source : Compte Facebook, le 9 novembre 2024
La France a librement choisi d’exercer en commun certaines de ses compétences au niveau de l’Union européenne, et c’est tout aussi librement qu’elle peut revenir sur ce choix.
La France ne serait plus un État souverain. C’est en tout cas ce que soutiennent de nombreuses internautes sur les réseaux sociaux. « L’Europe n’est qu’une institution qui a été imposée aux peuples des pays membres« , s’agace l’un d’entre eux, estimant que l’UE n’est qu’une « mascarade » et un « vol de souveraineté des États-membres« .
Quand il s’agit de l’Union européenne, la question de la souveraineté nationale revient régulièrement dans les débats politiques et Les Surligneurs ont eu l’occasion, à maintes reprises, de revenir sur ces affirmations juridiquement erronées.
S’il est tout à fait possible de critiquer la politique européenne ou encore souhaiter la sortie de la France de l’UE, il ne faut cependant pas confondre la notion de souveraineté avec celle du transfert de compétences.
Pas de perte de souveraineté
Selon les termes de l’article 88-1 de la Constitution française, la « République participe à l’Union européenne constituée d’États qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences ».
Pour le dire autrement, en participant au processus d’intégration européenne, la France n’a pas perdu son statut d’État souverain. Elle a souverainement décidé d’exercer en commun certaines de ses compétences au niveau de l’Union européenne. Il n’y a donc ni transfert ni abandon de compétences au profit de l’Union.
Et c’est tout aussi souverainement qu’elle décidera d’avaliser, ou non, la modification des conditions d’exercice des compétences dont dispose l’Union européenne. Par exemple, en étendant les domaines dans lesquels les décisions sont prises à la majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité des États membres.
Ainsi, en 2007, les États membres, en adoptant le Traité de Lisbonne, ont élargi la compétence de l’Union européenne en matière d’accords commerciaux internationaux. Le volet commercial de l’accord UE-Mercosur ne nécessite qu’une majorité qualifiée des États membres et non plus l’unanimité. Cette modification a été possible parce que les États l’ont bien voulu.
Pas de perte définitive de souveraineté
En outre, cet exercice des compétences au niveau de l’Union européenne n’a rien de définitif. À tout moment, la France peut réclamer une modification des traités afin de récupérer l’exercice en propre de certaines compétences, modifier les conditions de leur exercice ou même négocier des « options de retrait » (opting out) pour de ne pas participer à certaines politiques communes.
Ainsi, la Pologne, tout en étant membre de cette organisation, n’applique pas la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Dans l’hypothèse où la France ne parviendrait pas à obtenir les adaptations souhaitées, il lui est possible de quitter l’Union européenne en dénonçant les traités auxquels elle est partie, à l’instar de ce qu’a fait le Royaume-Uni avec le Brexit.
L’article 50 alinéa 1 du traité sur l’Union européenne (TUE) prévoit, en effet, que tout « État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union ».
Par conséquent, dans l’hypothèse où la France consentirait à étendre le domaine des décisions prises à la majorité au sein de l’Union européenne à laquelle elle participe, elle ne ferait qu’exercer sa souveraineté et pourrait, tout aussi souverainement, réclamer ultérieurement une modification des traités ou, en cas de refus, quitter cette organisation.
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