L’ONU ne construit pas une autoroute dans la forêt amazonienne pour la COP30
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 16 mars 2025
Contrairement à ce qui a, d’abord, été présenté dans plusieurs médias, l’ONU n’est pas à l’origine d’un axe routier en construction au Brésil. Il s’agit en réalité d’un vieux projet de l’État du Pará, qui accueillera la prochaine COP en novembre 2025.
C’est un paradoxe que de nombreuses publications sur les réseaux sociaux se sont empressées de souligner : l’Organisation des Nations unies (ONU), organisatrice chaque année de la Conférence des parties sur les changements climatiques (COP), aurait demandé la construction d’une autoroute dans la forêt amazonienne en vue de la tenue du prochain sommet international (COP30) au Brésil, à Belém plus précisément, en novembre 2025.
« Les hypocrites de l’ONU anéantissent des milliers d’hectares de forêt amazonienne pour une autoroute à 4 voies », affirme une publication, qui pointe ainsi du doigt les éventuelles contradictions de l’ONU, qui serait prompte d’une part à exiger des efforts en faveur du climat mais incapable, de son côté, de montrer l’exemple.
Pourtant, si la construction de l’axe routier est un fait, il est faux de l’attribuer, de près ou de loin, à l’organisation internationale elle-même.
Un projet local et ancien
C’est un article de la BBC, publié le 12 mars 2025 qui a semé la confusion. Intitulé : « La forêt amazonienne abattue pour construire une route en vue du sommet sur le climat », l’article a été repris par de nombreux médias français qui sont ensuite revenus sur les informations qu’ils avaient eux-mêmes avancées : Reporterre, franceinfo, 20 Minutes.
Car, dès le lendemain, le secrétariat de la COP30 a réagi, dans un communiqué de presse, en estimant que l’article de la BBC « informe mal le lecteur en suggérant à tort un lien entre le travail et les actions du gouvernement fédéral dans l’organisation de la conférence, qui laissera un héritage à la population de la ville ».
Le secrétariat extraordinaire pour la COP30 et la présidence de la République du Brésil ont démenti formellement l’information. « La construction de l’autoroute Avenida Liberdade […] ne relève pas de la responsabilité du gouvernement fédéral et ne fait pas partie des 33 projets d’infrastructure prévus pour la COP30 en novembre de cette année », précise le communiqué.
Mais alors, si ce n’est ni l’ONU, gardienne notamment de l’Accord de Paris de 2015, ni l’État fédéral du Brésil, qui est à l’origine de la construction de cet axe de 4 voies, sur plus de 13 kilomètres, à travers la forêt amazonienne ?
« C’est le gouvernement de l’État [du Pará, ndlr] qui en a fait une priorité », indique aux Surligneurs Taymā Rodrigo Carneiro, journaliste installé à Belém pour différents médias qui affirme « suivre le sujet depuis longtemps ».
En effet, sur le site Internet de l’État du Pará, contacté en vain par Les Surligneurs, différents articles mentionnent le sujet de l’autoroute. Le premier remonte à 2017. L’article de la BBC, lui-même, évoque un projet débattu dès 2012. Dans un article, l’agence Reuters cite pour sa part Ana Claudia Cardoso, professeure d’études urbaines à l’université de Pará, en ces termes : « Cela fait plus de vingt ans que l’on parle de ce projet, mais il y a eu beaucoup de résistance. »
Aussi, des documents (1,2) du secrétariat chargé des transports de l’État du Pará prouvent que l’idée de cette nouvelle infrastructure n’est pas récente. Ainsi, s’il semble difficile d’arrêter une date précise, il est évident que le projet routier est apparu avant la désignation de Belém comme ville hôte de la COP30 en mai 2023.
Accélération du chantier
Toutefois, les travaux peuvent-ils être totalement déliés de l’événement international qui se tiendra du 10 au 21 novembre prochain ? Officiellement, l’État local n’évoque jamais la tenue de la COP30 comme motif d’avancement des travaux dans ses dernières communications.
Dans un récent compte-rendu — daté du 14 janvier dernier — quant aux travaux réalisés dans la perspective de l’événement, l’Avenida Liberdade n’est pas cité au contraire de nombreux autres ouvrages.
Lors d’une visite de chantier, organisée en août dernier, conformément aux informations disponibles dans cet autre compte-rendu, le gouverneur de l’État, Helder Barbalho affirmait, sans citer la COP, que « les travaux de l’Avenida Liberdade se déroulent selon le calendrier prévu et la livraison est attendue pour novembre 2025″. Soit précisément pour le début de la COP.
Taymā Rodrigo Carneiro indique pour sa part que l’État du Pará est lancé dans « une course contre la montre, avec des dizaines de projets en cours. Infrastructures, mobilité, et même assainissement ». Dans l’article de Reuters, cité plus haut, Ana Claudia Cardoso assure que « la nécessité de préparer la ville à un méga-événement finit par donner la justification nécessaire ».
De fait, si le projet était discuté depuis de nombreuses années, les travaux n’ont débuté officiellement que le 15 juin dernier, comme l’attestent cette communication de l’État du Pará ou ce papier publié sur le média brésilien Globo et écrit par Taymā Rodrigo Carneiro.
L’association QuotaClimat, qui « œuvre pour un meilleur traitement médiatique des enjeux climatiques » et qui a alerté les médias français à propos de l’inexactitude de l’article de la BBC, estime par la voix de sa secrétaire générale, Eva Morel, que « le fait que le projet routier ait été accéléré par l’organisation de la COP30 à Belém ne signifie pas qu’il ait été initié par la COP. Lier directement les deux sans nuance (ce qu’a fait le titre de l’article de la BBC) participe à décrédibiliser l’événement sur la base d’une fausse information ».
Dans un article publié le 16 mars dernier, la rédaction de Radio France internationale (RFI) écrit que « le projet est en effet antérieur à l’annonce de l’organisation du sommet onusien sur le changement climatique, cependant, il a été relancé à l’occasion de l’évènement ». La radio avait déjà révélé le caractère problématique de ce chantier dans un précédent papier, le 20 février, soit bien avant l’article de la BBC.
Lúcia Müzell, journaliste pour RFI et auteure des articles cités, rappelle par ailleurs qu’un autre projet local fait également polémique à cause de la déforestation engendrée : celui de l’élargissement de la rue de la Marine (Rua da Marinha). Un ouvrage, qui est lui, « compris officiellement dans le paquet des travaux pour la COP30 », explique-t-elle aux Surligneurs.