Crédit  : Anh De France (CC BY 2.0)

Les réquisitions contre Marine Le Pen démontrent-elles un procès politique ?

Création : 25 novembre 2024

Autrices : Claire Harion, M2 Droit pénal international et financier, et Alicia Desbeux, M2 Droit pénal approfondi à Nancy

Relecteurs : Etienne Merle, journaliste

Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal à l’université de Lorraine

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook de Gilbert Collard, le 14 novembre 2024

Après les réquisitions du procureur contre Marine Le Pen dans le cadre du procès des assistants parlementaires du FN, la députée affirme, tout comme de nombreuses personnalités politiques, qu’il s’agirait d’un procès politique. Or, en réalité, cela reflète la simple application de la loi.

Depuis le 30 septembre 2024, le procès des assistants parlementaires du Front national (renommé depuis Rassemblement national), devant le tribunal correctionnel de Paris, s’est ouvert à l’issue de près de 10 ans d’enquête. Marine Le Pen et son parti sont mis en cause pour détournement de fonds publics européens. Le préjudice est estimé à près de sept millions d’euros par le parquet européen.

Mercredi 13 novembre, les réquisitions du parquet sont tombées : il demande, en plus d’une peine de cinq ans d’emprisonnement dont deux fermes aménageables, cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire pour l’ancienne candidate à l’élection présidentielle.

L’exécution provisoire signifie l’application immédiate de la peine, après décision du tribunal correctionnel, quand bien même Marine Le Pen interjetterait appel. Ainsi, elle ne pourrait plus se présenter à une élection française, alors même qu’elle resterait toujours présumée innocente en attendant un deuxième procès.

De nombreux soutiens à la députée RN ont dénoncé ces réquisitions, à l’instar du député RN, Guillaume Bigot : “Les procès politiques n’ont pas leur place dans une démocratie !”, s’insurge l’élu sur le réseau social X.

L’ancienne présidente du Rassemblement national a également reçu des soutiens plus inattendus, comme celui de Jean-Luc Mélenchon, l’ancien candidat LFI à l’élection présidentielle : “Je souhaite qu’on ne lui applique pas immédiatement l’inéligibilité, sans voie de recours”, a-t-il également commenté sur X.

Face à cette mise en cause de la justice par des personnalités politiques de tout bord, un rappel de la loi pénale s’impose. Tout d’abord, l’exécution provisoire de la peine n’est pas automatique puisque le juge peut l’écarter sur décision motivée.

Ensuite, rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit dans ce dossier d’une justice à double vitesse. Ce mécanisme est utilisé au quotidien dans les tribunaux. C’est le cas, par exemple, avec les mandats de dépôt qui permettent d’incarcérer une personne dans l’attente de son jugement définitif.

Réquisitions ne veulent pas dire décision

Dans ce dossier, les réquisitions des procureurs sont conformes à la loi. En effet, l’article 131-26-2 du Code pénal dispose que la peine complémentaire d’inéligibilité est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable de l’infraction de détournement de fonds, mais que la juridiction peut décider de ne pas prononcer la peine selon les circonstances de l’infraction et la personnalité de l’auteur, à condition qu’elle motive sa décision.

En l’espèce, les faits reprochés dans cette affaire se seraient poursuivis jusqu’au 31 décembre 2016, et la loi dite Sapin 2 instituant la peine complémentaire d’inéligibilité est entrée en vigueur le 9 décembre 2016 (cette peine a ensuite été déplacée par la loi sur la confiance dans la vie politique de 2017 à l’article 131-26-2 du Code pénal). Ainsi, le parquet l’a requise, pour une durée de cinq ans, ce qui correspond au maximum encouru.

En revanche, le rôle du procureur est de proposer une peine qu’il considère adéquate, mais il ne décide de rien. Les juges ne sont pas liés par les réquisitions, ce sont eux qui auront le dernier mot quant à la condamnation.

Une simple application de la loi

Ainsi, les réquisitions contre Marine Le Pen sont-elles la preuve d’un procès politique ? La réponse est non. Les procureurs ne font que demander aux juges l’application de la loi correspondant aux faits poursuivis, ni plus, ni moins.

Par conséquent, conformément au principe de séparation des pouvoirs, l’objectif des juges n’est pas de s’immiscer dans le domaine politique. La députée est jugée selon le principe d’égalité des citoyens devant la loi. L’issue du procès est attendue début 2025.

 

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