Les propositions de Yannick Jadot passées au crible

Création : 11 avril 2022

Auteur : Vincent Arnaud, juriste

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay 

Relecteur : Alex Yousfi, juriste

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Loïc Héreng

Source : Les Surligneurs

Candidat du parti Europe Ecologie Les Verts (EELV), Yannick Jadot figure parmi les membres de l’opposition manifestant des convictions écologistes et sociales fortes. Ces mêmes convictions, dont il revendique lui-même la radicalité, le conduisent, à certaines occasions, au-delà de ce que le droit permet, sauf à imaginer de grands bouleversements des textes.

Résolu à réconcilier le « capital » et le « travail », Yannick Jadot promet tout d’abord une nouvelle gouvernance sociale des entreprises, en contraignant les instances dirigeantes à comprendre jusqu’à 50% de salariés. Cette velléité de réconciliation du « capital » (le patronat) et du « travail » (la “masse” des salariés) risque pourtant de tourner court, sans modification de la Constitution. Accorder 50% des voix dans l’instance dirigeante d’une entreprise (comme au conseil d’administration, par exemple), cela signifie que le propriétaire en perd le contrôle, et donc qu’il est exproprié de facto. Cela signifie aussi qu’il est dépossédé de sa liberté d’entreprendre qui est constitutionnelle c’est-à-dire de sa liberté de définir la stratégie et les grandes orientations de l’entreprise. Une telle promesse électorale est ainsi doublement contraire à la Constitution.

Ensuite, Yannick Jadot a affirmé qu’il annulerait tous les brevets existants sur le vivant et ne permettrait pas leur reconnaissance en France et en Europe. Encore une fois, la radicalité écologiste se heurte à l’état actuel du droit. Dans la législation française, le vivant est déjà brevetable sous différentes formes et donc susceptible d’appropriations privées très encadrées par le Code de la propriété intellectuelle. Il suffirait donc de modifier ce Code, par une nouvelle loi. Mais voilà ! Cette partie du Code résulte, en vérité, d’une transposition fidèle du droit international et européen, qu’il n’est pas possible de modifier sans négocier avec les partenaires, à moins de s’en affranchir purement et simplement. 

Pour annuler les brevets existants sur le vivant comme le promet Yannick Jadot, le Parlement français devrait non seulement abroger toute sa législation existante, mais aussi remettre en cause la validité de ceux délivrés antérieurement. Une telle annulation présente un risque d’inconstitutionnalité en raison d’une atteinte au droit de propriété. Par ailleurs, le droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ainsi que le droit de l’Union européenne ont depuis longtemps créé une réglementation commune à tous les États concernant les brevets. Par conséquent, le législateur français ne saurait accorder moins de protection aux détenteurs de brevet que ce que garantissent les textes internationaux et européens. Il faudrait donc soit s’en affranchir purement et simplement (avec les risques de rétorsion que cela implique), soit chercher à renégocier. 

Enfin, le candidat de la radicalité écologiste entend permettre aux intercommunalités de réquisitionner les friches, les zones commerciales et d’activités pour les convertir en quartiers mixtes et verts afin de diminuer l’artificialisation des sols. Dans son programme, Yannick Jadot précise qu’il s’agit de convertir définitivement ces biens ou de les louer à d’autres personnes que leur propriétaire (dans le cas des logements vides). Cela s’apparente, en droit, à une privation de jouissance définitive ou très longue. Ce ne serait donc pas une « réquisition » comme a pu le déclarer le candidat, mais une « expropriation » s’agissant des friches et zones commerciales. La différence est de taille. L’expropriation répond, en effet, à une procédure complexe qui garantit que le changement de propriétaire est justifié par une utilité publique, une procédure longue et particulièrement coûteuse, puisqu’il faut indemniser le propriétaire en lui rachetant la friche en question ou la zone d’activité, etc. Yannick Jadot doit donc préciser comment il compte s’y prendre, et comment il financera son projet.

Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.

Faites un don défiscalisé, Soutenez les surligneurs Aidez-nous à lutter contre la désinformation juridique.