Crédit : Miguel Á. Padriñán

Les mammographies provoquent-elles des cancers du sein ?

Création : 9 septembre 2024

Auteur : Clément François, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Alexandra Maubec, étudiante en LLCER à la Sorbonne Nouvelle

Source : Compte Instagram, le 4 septembre 2024

Sur Instagram, des internautes affirment que les mammographies, et plus précisément les rayons qu’elles émettent, seraient responsables de cancers du sein. Bien que ces rayons puissent être cancérigènes à haute dose, ils sont trop faibles et rares pour être dangereux.

Les mammographies, examens de référence pour repérer préventivement les cancers du sein, seraient dangereuses pour la santé. Pire, elles auraient l’effet inverse de favoriser l’apparition de cellules cancéreuses. C’est en tout cas ce qu’affirment des internautes, sur Instagram, convaincus que les grandes sociétés pharmaceutiques et les hôpitaux sont derrière ce business juteux.

Derrière ces affirmations, il existe des réalités physiques de l’examen, mais très exagérées. Nasrine Callet, oncologue et médecin référent pour les femmes à risque génétique de cancer du sein et des ovaires à l’Institut Curie-Hôpital René Huguenin, tient à remettre les choses au clair : Les rayons X utilisés lors d’une mammographie peuvent être cancérigènes, en effet, à condition d’y être exposé à forte intensité et très fréquemment. Si l’on respecte le temps indiqué entre chaque cliché qui est de deux ans, il n’y a rien à craindre”.

D’après elle, la mammographie est d’autant plus pointée du doigt qu’elle subit les effets collatéraux d’une mauvaise réputation. En effet, l’exercice n’est pas très agréable, le sein ayant besoin d’être écrasé contre une plaque pour que le cliché soit le plus net possible.

Pour l’oncologue, le “risque” que les mammographies comportent reste minime comparé à la possibilité de découvrir des cellules cancéreuses en amont : La mammographie permet de trouver des cellules cancéreuses avant qu’elles ne forment une boule, qui sera palpable.

Un complot pharmaceutique ?

Autre point qui déchaîne nos internautes, l’hypothèse d’une conspiration des sociétés pharmaceutiques, qui auraient selon eux intérêt à trouver des cellules cancéreuses, pour ensuite prescrire des traitements coûteux et sévères comme la chimiothérapie ou la radiologie. Une erreur selon Nasrine Callet : Dans le cas où on observe une anomalie lors de la mammographie, il faudra ensuite confirmer le diagnostic par un prélèvement, c’est-à-dire une biopsie, pour savoir si ce que l’on a observé est bénin ou cancéreux. On n’a pas le droit de traiter une personne sur la seule base de l’imagerie.

C’est pourtant un mythe bien tenace que nos internautes soutiennent par des études sérieuses. Ils affirment qu’au cours des trente dernières années, 1,3 million de femmes ont reçu un diagnostic erroné de cancer du sein rien qu’aux États-Unis.

Ce chiffre de 1,3 million vient d’une publication scientifique du The New England Journal of Medicine datant de 2012 et rédigée par Archie Bleyer et Gilbert Welch.

Gilbert Welch est un oncologue critique de la détection précoce en cancérologie. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le sujet comme “Surdiagnostiquer : rendre les gens malades à la recherche de la santé” (2011) ou “Dois-je subir un test de dépistage du cancer ? Peut-être pas et voici pourquoi” (2004). Dans un entretien avec le média américain Vox en 2015, il affirmait que nous avons exagéré les avantages des soins médicaux, et nous avons sous-estimé — ou ignoré entièrement — les méfaits.”

Fait-on trop de mammographies ?

La publication scientifique qui nous intéresse avait pour objectif d’étudier l’influence de la mammographie sur le nombre de cancers du sein observés sur les trois dernières décennies.

Pour les deux chercheurs, il y a un problème de surdiagnostic lié à la mammographie. Ils estiment que sur les trente dernières années, 1,3 million de femmes ont été diagnostiquées d’un cancer, alors que les tumeurs détectées n’auraient jamais déclenché de symptômes. D’après eux, ces “surdiagnostiquées” ont dû subir de fait des traitements coûteux et lourds, alors qu’elles n’en avaient pas besoin.

Mais pour Nasrine Callet, cet argument n’a pas de sens : « Comme je l’ai expliqué plus tôt, ce n’est pas la mammographie qui déclenche le traitement, mais le prélèvement qui va suivre, et qui va confirmer ou non la suspicion de cancer. Mais surtout, une fois les cellules cancéreuses détectées, qui peut dire comment elles vont évoluer ? On ne peut pas le prévoir et surtout, on ne peut pas jouer à pile ou face. »

Si les deux chercheurs américains reconnaissent que l’augmentation du nombre de mammographies coïncident avec une baisse du nombre de cancers à un stade avancé, ils estiment que la baisse de mortalité concernant le cancer du sein est due, en grande partie, à l’amélioration du traitement, et non au dépistage. Pourtant, selon Nasrine Callet, dépisté tôt et bien traité, le cancer du sein a peu de risques de devenir dangereux : C’est 100 % de guérison lorsqu’on le maintient à sa forme primitive.

Si Octobre Rose n’est plus très loin, il est toujours important de rappeler que le cancer du sein touche chaque année près de 60 000 personnes en France, selon l’Institut national du cancer. Avec plus de 10 000 décès par an, la prévention reste le meilleur moyen de sauver des vies.

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