Les futurs enjeux du Green Deal
Pauline Anckaert, Emma Porcheron et Chaimae Kharroubi, master Droit européen, Université Paris-Saclay
Relectrice : Tania Racho, docteure en droit européen, chercheuse associée à l’IEDP, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle
À la veille des prochaines élections européennes, le Green Deal regagne en intérêt. Attendu par certains qui demandent une accélération dans son application, décrié par d’autres qui appellent à son arrêt, le prochain renouvellement du Parlement européen sera décisif dans l’avenir du Pacte Vert.
Le Green Deal, aussi appelé pacte vert pour l’Europe est un ensemble de décisions visant à engager l’Union européenne sur la voie de la transition européenne. L’objectif est de permettre aux États membres d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Le Pacte Vert prévoit un premier objectif de réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2030.
Cette décision fait suite à l’intérêt écologique des citoyens européens aux élections européennes de 2019. Pourtant, aujourd’hui, l’intérêt écologique est-il toujours le même ? Le contexte géopolitique actuel fait ressurgir la notion de souveraineté à l’échelle nationale.
De plus, l’Union européenne définit les exigences du Green Deal, mais ce sont les États qui doivent prendre des mesures nécessaires afin de les réaliser. L’architecture fragile entre souveraineté nationale et compétences européennes implique une difficulté pour l’Union européenne d’obliger les États à prendre des mesures.
En France, les candidats aux élections européennes de juin 2024 les qualifient pour la plupart d’élections de mi-mandat, ou de première étape des élections nationales de 2027. Les électeurs nationaux semblent voter pour des motifs nationaux, économiques et sociaux plutôt que sur des thématiques européennes, telles que le Green Deal. L’enjeu pour les institutions européennes est alors de montrer que l’action européenne qui existe est efficace et nécessaire.
L’état d’avancement du Green Deal
En 2023, quatre ans et plusieurs crises après le lancement du Green Deal (Covid-19, guerre en Ukraine, retour de l’inflation…), le bilan est considérable : un peu plus de 150 propositions législatives, stratégies et plans d’actions ont été annoncés afin de concrétiser le Pacte Vert.
L’Union européenne (UE) a progressé dans la réduction de ses émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) entre 1990 et 2021, respectant ainsi ses objectifs climatiques et énergétiques. Ces avancées ont été soutenues par des mesures telles que le marché carbone (SEQE), les obligations en matière d’énergies renouvelables et les efforts d’efficacité énergétique. Cependant, les crises telles que la crise ukrainienne ont exacerbé les tensions et remis en question certains aspects du Pacte vert, comme la stratégie “de la ferme à la table” et la révision du règlement REACH sur la pollution chimique. Malgré ces défis, le Pacte vert reste en cours de mise en œuvre.
Les défis actuels
Alors que la mandature du Parlement européen touche à sa fin, Le Pacte Vert pour l’Europe suscite des débats intenses. Certains critiquent son manque d’ambition dans divers domaines, tandis que d’autres soulignent des questions de financement et d’irréalisme face aux défis actuels. De nombreux dirigeants européens appellent à une « pause » dans l’adoption de nouvelles législations, craignant notamment pour la compétitivité et l’impact mondial des mesures environnementales prises uniquement à l’échelle européenne.
Malgré un soutien initial, le Parlement européen s’est opposé à plusieurs textes législatifs liés au Pacte vert, avec des victoires remportées par Le Parti populaire européen, soutenu par l’extrême droite et certains élus socialistes et libéraux.
Un avenir du Green Deal conditionné par les élections européennes
En 2024, le climat politique européen est bien différent de celui de 2019, marqué par une vague verte qui avait propulsé le Pacte Vert au centre des priorités de la Commission européenne. Cependant, cette dynamique semble menacer l’avenir du Pacte vert lors du prochain mandat.
Pour le parti Identité et Démocratie (ID), notamment avec le Rassemblement National, l’opposition au Pacte Vert est clairement affichée, avec des déclarations affirmant que le Pacte Vert est mort et sera démantelé. Cette opposition est alimentée par le mécontentement des agriculteurs, ce qui a conduit la Commission européenne à assouplir les règles agricoles.
Les écologistes, en difficulté dans les sondages, expriment leur vive inquiétude face à ce qu’ils voient comme un recul écologique imminent au sein de l’Union européenne. Ils craignent que la droite et l’extrême droite remportent les élections et annulent les avancées écologiques déjà réalisées.
Malgré le fait que le Parlement européen ne dispose pas de l’initiative législative, la possibilité pour les partis d’opposition de droite de remettre en question les politiques environnementales déjà adoptées est une préoccupation majeure. Par exemple, la clause de révision dans le texte interdisant la vente de voitures thermiques dès 2035 pourrait permettre de repousser cette échéance. L’eurodéputée Les Républicains, Anne Sander, appelle également à freiner le Pacte Vert, qu’elle critique comme étant conçu de manière déconnectée de la réalité et promouvant une idéologie de décroissance.
Cependant, les centristes de Renew, se veulent rassurant, affirmant qu’il n’y aura pas de marche arrière sur les avancées déjà réalisées en matière environnementale. Pascal Canfin, président de la commission environnement au Parlement européen, souligne le consensus existant sur de nombreux sujets et l’engagement dans les investissements et les chaînes de valeur écologiques.
La proposition de règlement sur la restauration de la nature adopté en première lecture en février 2024 était initialement un pilier du Pacte Vert, mais a subi des modifications importantes en raison de l’opposition des partis conservateurs et populistes européens, ainsi que de plusieurs gouvernements nationaux. Ces changements comprennent notamment la suppression de l’obligation de restaurer les terres agricoles. Ces oppositions sont devenues symboliques de la résistance des partis conservateurs et populistes au Pacte Vert, et pourraient influencer la dynamique politique au Parlement européen, où des forces comme les Conservateurs et Réformistes Européens (CRE) et Identité et Démocratie (ID) pourraient gagner en influence, renforçant ainsi le camp hostile au Pacte Vert.
Des propositions permettant de concilier le Green Deal et les revendications actuelles
Alors que les candidats favorables au Pacte Vert cherchent à répondre aux préoccupations du monde agricole, des propositions émergent pour adapter le Pacte vert aux enjeux de souveraineté et d’industrie.
La cheffe de file des Écologistes français Marie Toussaint appelle à mettre en place un “Green Deal 2.0” ayant vocation à “transformer l’économie.” Celui-ci comprendrait un plan d’investissement de 10 milliards d’euros par an pour “accompagner les paysans” qui adoptent des pratiques agroécologiques. Pascal Canfin propose également la création d’un “Frontex du Green Deal” pour contrôler les règles environnementales et un marché du carbone spécifique à l’agroalimentaire.
Les « macronistes » travaillent sur le volet industriel du Pacte vert afin de concilier les préoccupations de souveraineté avec les objectifs environnementaux. Ursula von der Leyen, en lice pour un second mandat, soutient également l’industrie tout en continuant le Pacte vert.
Ces propositions visent à maintenir le cap du Pacte Vert, même dans un contexte où le Parlement pourrait pencher davantage vers la droite.
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