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Les fraudes à la carte Vitale concernent-elles vraiment 3 à 5 % des prestations sociales en France ?

Création : 23 octobre 2024

Autrice : Jeanne Boyer, étudiante en journalisme à l’école W

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 8 octobre 2024

Selon BFM TV et des internautes sur les réseaux sociaux, les fraudes à la carte Vitale concerneraient 3 à 5 % des prestations sociales en France. Mais ces estimations, tirées d’une étude publique, ont été mal interprétées.

Comme un air de déjà-vu. La fraude sociale est un sujet qui s’invite régulièrement dans le débat public, et le nouveau Premier ministre n’a pas fait exception à la règle. Lors de son discours de politique générale, le 1ᵉʳ octobre dernier, Michel Barnier a remis les pieds dans le plat. À l’en croire, l’une des priorités pour lutter contre la fraude sociale et donc limiter les pertes économiques serait de mieux “sécuriser la carte Vitale”.

Mais que pourrait rapporter une telle mesure ? Dans une émission de BFM TV consacrée à ce sujet le 8 octobre dernier, la fraude à la carte Vitale concernerait “3 à 5 % des prestations sociales”.

Sur les réseaux sociaux, certains internautes ont réagi à ce reportage, agacés : “Un pourcentage annoncé sans un chiffre masque volontairement une réalité. Ex: 3% à 5% des prestations sociales, chiffré, c’est entre 7,5 Milliards à 12,5 Milliards d’€ en assurance maladie”, s’insurge l’un d’entre eux. “Ceci porte un nom …. de la manipulation d’opinion, c’est de la com”.

Mais ces estimations sont-elles vraies ? Les Surligneurs se sont penchés sur la question.

Bon chiffre, mauvais contexte

Pour le savoir, nous avons retrouvé le rapport utilisé par nos confrères de BFM TV pour réaliser leur reportage. Il s’agit d’un document réalisé par l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) paru en 2023.

Selon ce dernier, 0,1 % des prestations sociales servies par l’Assurance maladie ont été détectées comme frauduleuses, mais les inspections estiment que ce chiffre pourrait grimper jusqu’à “3 à 5 %”.

Or, contrairement à ce qu’indiquent nos confrères de la chaîne d’information en continu, il n’est pas ici question de “fraude à la carte Vitale”, mais d’une estimation de l’ensemble des prestations frauduleuses servies par l’Assurance maladie (qui est une partie de la fraude aux prestations sociales).

Dans cet ensemble de fraudes estimées entre 3 à 5 %, celles en lien avec la carte Vitale n’en représentent qu’une partie. Contactée par téléphone, la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam) confirme aux Surligneurs que le chiffre avancé par nos confrères ne concerne pas que “la fraude à la carte Vitale”.

La fraude à la carte Vitale : un terme fourre-tout

Et pour cause, la “fraude à la carte Vitale” n’existe pas en tant que tel mais regroupe de nombreuses réalités.

“Si la carte Vitale peut être utilisée dans certaines fraudes, elle n’en est que dans quelques cas le vecteur unique, pouvant être remplacée de manière simple par une attestation de droits papier”, écrivent l’IGAS et l’IGF dans leur rapport. “La fraude liée à l’usage des cartes ne constitue ainsi pas une catégorie opérante permettant aux équipes de lutte contre la fraude des régimes d’Assurance maladie de déployer des contre-mesures d’ordre général.”

Si estimer les “fraudes à la carte Vitale” n’a pas de sens, il est certain qu’elles ne représentent pas les proportions présentées par nos confrères et les internautes sur les réseaux.

En effet, selon le dernier rapport de la Sécurité sociale sur la lutte contre la fraude sociale, paru en juillet 2024, le montant total de la fraude sociale s’élèverait à 13 milliards d’euros.

Or, selon ce même rapport, la part de la branche maladie ne représente que 13 % de ce montant total : soit 1,71 milliard d’euros. Un chiffre qui reste “minoré” et qui “n’indique pas l’ensemble du périmètre des prestations”, indique le rapport, sans proposer d’estimations plus précises.

 

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