Crédits photo : Andreas Tille, CC 4.0

Les experts prédisaient-ils vraiment un refroidissement climatique dans les années 70 ?

Création : 22 mai 2024

Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, étudiante à l’École Publique de Journalisme de Tours

Source : Compte Facebook, 13 mai 2024

Selon plusieurs publications sur les réseaux sociaux, les scientifiques des années 70 avaient anticipé un refroidissement climatique. Une manière d’affirmer que nous pourrions échapper au réchauffement tant avancé. Toutefois, hier comme aujourd’hui, les raccourcis sont de mauvais conseillers pour juger des phénomènes complexes.

Les scientifiques n’apprennent jamais de leurs erreurs à en croire certains internautes. Dans un post publié sur Facebook, le 13 mai 2024, l’un d’entre eux souligne les mauvaises appréciations qu’auraient avancées, il y a 50 ans, les spécialistes quant à l’évolution du climat. “Attention à un grave refroidissement climatique [que] prédisaient les experts, dans les années 1970 !”, s’alarme ainsi l’auteur de la publication, un ancien journaliste, en s’appuyant sur un article du site Internet revueconflits.com.

Puisque les experts prédisaient un refroidissement qui n’a pas eu lieu, nous pourrions échapper également au réchauffement tant avancé, semble-t-il supposer. Mais il s’agit ici d’une généralisation grossière qui ne résiste pas au rappel de la réalité.

En effet, il est impossible d’affirmer qu’à cette époque “les experts” prévoyaient un “refroidissement climatique”. Et pour cause : à en croire l’article lui-même qui sert d’appui à la publication, quelques médias (Newsweek, Time et Los Angeles Times), à travers donc seulement quelques articles, évoquaient le sujet.

Le mythe du refroidissement climatique

Trop peu pour supposer un semblant de consensus scientifique, comme le soulignent déjà nos confrères du journal Le Monde, dans un article de 2015. Ces derniers s’appuyaient d’ailleurs dans leur démonstration sur une étude américaine publiée en 2008 par un journaliste et deux chercheurs.

Intitulée “Le mythe du consensus scientifique du refroidissement global des années 1970”, celle-ci s’intéressait à la littérature scientifique entre 1965 et 1979. Résultat : seuls 7 articles portaient sur un refroidissement contre 44 qui évoquaient un réchauffement. C’est peu dire que la balance est déséquilibrée.

Par ailleurs, au regard des milliers d’études annuelles qui sont publiées aujourd’hui, l’affirmation de notre internaute paraît encore plus fallacieuse. “Dans les années 70, on n’avait pas de modèle du climat pour étudier les variations climatiques, la climatologie n’était pas encore une science à proprement parlé et les “climatologues” se comptaient sur les doigts de la main”, rappelle aux Surligneurs Xavier Fettweis, enseignant à l’université de Liège et directeur du laboratoire Climatologie.

Autrement dit, si notre internaute, déjà épinglé en 2019 par l’AFP pour une autre publication mensongère (encore sur le climat), se trompe quant aux appréciations scientifiques et climatiques de l’époque, il ne peut non plus, en conséquence, laisser supposer que les prévisions actuelles ne sont pas fiables. Les rapports du GIEC – dont la première publication date de 1990 – peuvent être objectivement pris un peu plus au sérieux que quelques articles des années 70.

Coupables aérosols sulfatés

Par ailleurs, si l’évolution des températures mondiales a bien connu une pause entre 1940 et 1970 – ce qui semble servir de principal argument à un bon nombre de climatosceptiques  — c’est en réalité à cause de “la pollution émise par les aérosols sulfatés”, explique Xavier Fettweis.

Ces particules fines ont la capacité d’augmenter le “taux d’opacité de l’atmosphère et peuvent entraîner une diminution de 10 % à 15 % du rayonnement solaire à la surface de la Terre”.

Autrement dit, en polluant l’air, l’humanité s’est donnée la triste possibilité de ralentir la hausse des températures, comme les Surligneurs l’ont déjà raconté. Or, avec la régulation de la première, la deuxième a repris du poil de la bête.

Coup de chaud sur l’âge glaciaire

Enfin, l’accélération de la hausse des températures ces dernières décennies empêchera-t-elle l’apparition d’une nouvelle ère glaciaire ? Non, répond aux Surligneurs Roland Séférian, chercheur au Centre national de recherches météorologiques (CNRM) de Météo France et auteur principal du rapport du Giec de 2018,. Toutefois, si celle-ci n’a pas débuté en l’an 2000, elle ne devrait pas non plus arriver de sitôt.

Si l’humanité n’avait pas interféré avec le climat, la prochaine période glaciaire commencerait dans environ 50 000 ans”, explique-t-il aux Surligneurs en se référant à une publication scientifique dévoilée en 2021.

Or, “les auteurs estiment que la prochaine période glaciaire ne commencera pas avant 120 000 ans, voire plus si on continue à émettre encore du CO2 dans l’atmosphère.” De quoi laisser les doudounes au chaud quelques générations et pour notre internaute de se mettre à jour des connaissances scientifiques.

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