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Hémicycle du Sénat / Flickr (CC BY-NC-ND 2.0, modifié)

Les élus sont-ils assimilables à des « tuteurs légaux », comme l’affirme un internaute ?

Création : 28 mars 2025
Dernière modification : 31 mars 2025

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’université de Poitiers

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 25 mars 2025

Un internaute confond représentation politique et tutelle légale, affirmant à tort que nos élus « décident de nos vies ». Or, s’ils votent les lois ou administrent, ils ne nous privent d’aucun pouvoir personnel et doivent rendre des comptes aux électeurs.

Un internaute mal inspiré — ou mal intentionné ? – affirme que les élus pour lesquels nous votons sont nos tuteurs légaux décidant tout à notre place. Le seul bon point que l’on peut lui accorder est que les députés nous représentent face à l’exécutif au même titre que le tuteur ou le curateur représente la personne sous tutelle. C’est vrai. Mais de là à assimiler les deux, il ne faut pas pousser. Explications.

L’internaute cite l’article 1159 du Code civil selon lequel « l’établissement d’une représentation légale ou judiciaire dessaisit pendant sa durée le représenté des pouvoirs transférés au représentant ». Il en tire la conclusion qu’« un représentant est un tuteur légal qui va décider de ta vie ». Pour autant, nos élus, qui sont nos représentants, peuvent-ils être assimilés à des tuteurs ? Non.

Condition pour être sous tutelle : l’inaptitude

D’abord, l’article du Code civil que cite l’internaute concerne la représentation dans le cadre d’un contrat tel qu’un mandat : rien à voir avec la tutelle, régie par l’article 440 et suivants du Code civil. Un tuteur est un représentant particulier, qui assiste une personne inapte mentalement ou physiquement dans sa vie civile : signer des contrats ou faire des achats importants. L’internaute se considère-t-il comme inapte ?

S’agissant des élus, ce n’est pas du tout le même type de représentation. Dans notre démocratie indirecte, le pouvoir et la souveraineté nationale appartiennent au peuple qui les exerce essentiellement par le biais de représentants. Ces représentants sont élus pour une seule mission : voter les lois s’ils sont parlementaires, administrer des communes, départements et régions s’ils sont élus locaux ou représenter l’État pour le président de la République.

L’internaute réclame, semble-t-il, un mandat impératif pour les députés : qu’ils nous demandent notre avis à chaque fois qu’ils doivent voter pour une loi. Pourquoi pas, mais très difficile à organiser, au point que cela n’existe nulle part.

Nos élus ne rendent-ils pas de comptes ? 

Ou peut-être l’internaute veut-il se passer de représentants ? Il faut alors organiser une démocratie directe, par laquelle le peuple décide de ce qu’il veut faire collectivement, par exemple en votant pour chaque décision à prendre : voter sur les retraites, le soutien à l’Ukraine, la fin de vie, le budget, les zones à faible émission, la vitesse sur le périphérique, etc. Pourquoi pas… mais là encore, à 68 millions de Français, rien de facile à organiser.

Non content d’être à une approximation près, l’internaute déclare que les élus, comme les tuteurs, ne rendent pas de compte. Dans les deux cas, c’est faux. Les élus rendent des comptes à leurs électeurs à la fin de leur mandat en vue d’une réélection, et les tuteurs doivent rendre des comptes au juge des tutelles ou à la famille de la personne protégée.