Léon Deffontaines (PCF) : “Le CETA est en œuvre alors qu’il n’a jamais été voté par l’Assemblée nationale, c’est une fraude démocratique”
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Aya Serragui
Source : Débat des élections européennes (France 24 et RFI), 10 avril 2024, 1h26'
“Fraude démocratique” suppose entorse aux textes régissant notre démocratie, y compris lorsqu’elle s’exerce au niveau européen. On a eu beau chercher, on n’a trouvé aucune entorse.
Ce jeudi 11 avril s’est tenu le second débat entre les têtes de liste à l’élection européenne du 9 juin prochain. À cette occasion, les candidats ont débattu de la politique commerciale de l’Union européenne, et notamment de l’accord de libre-échange CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) conclu entre l’Union et le Canada. Léon Deffontaines, tête de liste communiste a déclaré que cet accord, qui n’a pas été ratifié par le Parlement national, est une “fraude démocratique“.
Le Parlement européen a approuvé
Certes, l’Assemblée nationale française n’a pas encore ratifié le CETA, mais le Parlement européen a approuvé ce traité de libre-échange le 15 février 2017. Or, cette institution est composée de députés européens élus directement par les citoyens de l’Union européenne. Ce vote a par conséquent la même légitimité démocratique qu’un vote à l’Assemblée nationale.
Pour autant, le Parlement européen n’a pas approuvé la totalité du traité. Il s’est prononcé sur ce qui relève de la compétence dite “exclusive” de l’Union européenne, à savoir la “politique commerciale commune“, qui depuis le traité de Rome de 1957, fondant la Communauté économique européenne, a été confiée à l’Union européenne par les États membres (article 111 du Traité de Rome, puis article 3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). Or, le traité CETA, puisqu’il régit les relations commerciales entre l’Union et des États tiers, porte à 90% sur la politique commerciale.
Cela explique que le traité CETA puisse s’appliquer sans ratification des parlements nationaux des États membres. Faire autrement et exiger une ratification de l’Assemblée nationale impliquerait de réviser les traités européens et de supprimer la compétence exclusive de l’Union sur la politique commerciale ; en somme, de revenir sur l’un des fondements de l’Union.
Rien n’interdit de renégocier les traités, mais en attendant, ce sont bien ces traités qui s’appliquent et qui ont permis au Parlement européen, démocratiquement élu au suffrage universel direct par les citoyens européens, d’approuver le CETA et de le rendre applicable.
10 % des articles du CETA nécessitent une ratification des parlements nationaux
Si 90 % des dispositions du CETA relèvent de l’Union, les 10% restants relèvent en effet des États membres car ils concernent les investissements et le règlement des différends entre les entreprises européennes et canadiennes, notamment l’instauration de tribunaux d’arbitrage. Dans ce domaine, l’Union n’a pas de compétence exclusive mais seulement dite “partagée” entre l’Union et les Etats membres : ainsi, l’article 4 du TFUE prévoit notamment qu’en matière de “sécurité et de justice“, “l‘Union dispose d’une compétence partagée.”
Cela explique que le traité CETA ne s’applique pas encore sur ces questions, l’Union ne pouvant décider seule. Elle attend donc que chaque État membre “ratifie” ces 10 %, autrement dit donne son accord, chacun selon la procédure en vigueur dans sa Constitution. Pour l’instant seuls dix États membres n’ont pas encore ratifié ces 10 %, dont la France, qui en vertu de la Constitution ne pourra le ratifier qu’après approbation du Parlement. Or, l’Assemblée nationale avait approuvé ce texte dès 2019, mais le Sénat l’a rejeté le 21 mars dernier. L’Assemblée nationale doit désormais se prononcer de nouveau.
On ne voit donc pas où est la fraude démocratique qu’évoque Léon Deffontaines.
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