L’enseignement et la formation, quasi-absents des programmes pour les élections régionales
Dernière modification : 22 juin 2022
Auteur : Raphaël Matta-Duvignau, maître de conférences en droit public (UVSQ – Paris-Saclay)
Les programmes régionaux concernant l’enseignement et la formation portent surtout sur la sécurité dans et aux abords des lycées, avec notamment la création de “brigades” qui ne sont autres que des groupes de vigiles payés par la région, et en aucun cas des polices régionales. Pour autant, il ne faut pas oublier le rôle central des régions dans l’enseignement et la formation à tous les âges de la vie. La commune, le département et la région participent depuis la loi du 2 mars 1982 (acte I de la décentralisation) au fonctionnement de l’éducation nationale, soit de façon obligatoire, soit de façon facultative. Très schématiquement, les collectivités territoriales ont hérité en 1982 de la responsabilité du fonctionnement matériel des établissements d’enseignement (hors dépenses des personnels) et de l’investissement. Si les communes assurent la charge des écoles, les départements celles des collèges, les régions construisent et font fonctionner les lycées et certains établissements spéciaux (enseignement agricole par exemple). Mais les régions financent également, dans une large mesure l’enseignement supérieur. Les articles L 214-1 à L 214-19 du Code de l’éducation énumèrent des missions des régions en matière d’éducation, dont voici un résumé.
Les régions construisent et gèrent les lycées
Depuis 1982. La compétence la plus ancienne et traditionnelle des régions est celle de la gestion des bâtiments des lycées. Les biens immobiliers des lycées, qui appartenaient à l’État, ont été transférés en pleine propriété à titre gratuit aux régions, qui ont donc la charge de leur entretien. Selon l’article L 214-6 du Code de l’éducation, la région assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement. La région a également en charge les installations et équipements nécessaires à la pratique de l’éducation physique et sportive pour les lycées. Il résulte d’ailleurs de cette charge une conséquence très importante : en tant que propriétaire, la région est responsable de tout dommage ou accident lié à un défaut d’entretien des bâtiments ou installations, notamment les accidents scolaires. Cette responsabilité incombe à la région même (responsabilité pour défaut d’entretien), mais aussi aux élus locaux lorsqu’une négligence est à l’origine de mort ou blessures.
Depuis 2004. Les régions gèrent les ressources humaines des lycées, s’agissant des personnels qui entretiennent les bâtiments et participent à leur bon fonctionnement. Ces personnels, jadis relevant de l’État, sont désormais des agents territoriaux, plus précisément des « techniciens ouvriers de service » (TOS : article L 214-6-1 du Code de l’éducation). Ils assurent les missions d’accueil, de restauration, de magasinage et d’entretien. La plupart de ces agents (principalement titulaires, mais aussi de très nombreux contractuels plus précaires) relèvent de la catégorie C de la fonction publique, la plus basse. Il appartient à la région d’assurer leur promotion, notamment par leur formation et leur titularisation.
Depuis 2017. Une compétence a été retirée au département au profit des régions : les transports scolaires. C’est l’article 15 de la loi NOTRe, qui a fait des régions des autorités organisatrices de transports (AOT) au sens de l’article L 3111-1 du Code des transports, ce qui inclut les transports scolaires. L’article L 3111-9 du même code offre toutefois la possibilité aux régions qui décideraient de ne pas prendre en charge elles-mêmes les transports scolaires, d’en confier la gestion, en tout ou partie, aux départements, aux communes, à des établissements publics de coopération intercommunale, à des syndicats mixtes, aux établissements d’enseignement eux-mêmes, ou encore à des associations de parents d’élèves et des associations familiales. L’article L 1221-12 du Code des transports prévoit en outre que ce service a désormais vocation à être financé par les usagers, alors qu’en pratique il l’est très souvent par la collectivité. La fixation des tarifs du transport scolaire revient également à la région, sur la base de critères objectifs sur lesquels veille le juge administratif.
Les régions ont également en charge les établissements scolaires spécialisés, notamment les lycées maritimes et agricoles (art. L 214-6 du Code de l’éducation). Elles en assurent là aussi la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement. Cela suppose un véritable programme prévisionnel d’investissements (article L 811-8 du Code rural et de la pêche maritime). Le conseil régional définit la localisation de ces établissements, leur capacité d’accueil et le mode d’hébergement des élèves.
Dans tous ces établissements, la restauration scolaire est placée sous la responsabilité de la région (L 214-6 du Code de l’éducation), qui en fixe les tarifs. Les régions assurent également l’accueil et l’hébergement dans les établissements dont elles ont la charge, lorsqu’ils possèdent un internat. Elles peuvent aussi financer les manuels scolaires.
Les régions gèrent l’apprentissage
En lien avec leur mission de développement économique, les régions ont très tôt reçu la responsabilité des centres de formation des apprentis (CFA). C’est un véritable service public régional permettant à la région d’accorder des aides individuelles à la formation et de favoriser le financement d’actions de formation au bénéfice des jeunes sous statut scolaire et universitaire (Code du travail art. L 6121-1 du Code du travail). Les régions assurent aussi la rénovation, la construction, la reconstruction et les grosses réparations de ces établissements. Elles créent de nouveaux CFA au besoin, dont l’objet est de financer et de faciliter les cursus en apprentissage. Cette création fait l’objet de conventions conclues entre les conseils régionaux et des partenaires tels que les chambres de commerce, de métiers ou d’agriculture, les établissements d’enseignement publics ou privés sous contrat, les entreprises, les associations, etc. Elles fixent les modalités d’organisation administrative, pédagogique et financière du CFA.
Les régions détiennent aussi des compétences en matière d’orientation et de formation professionnelle (L 214-12 à L 214-16-2 du Code de l’éducation). C’est aussi un service public régional de l’orientation tout au long de la vie professionnelle (article L 6111-3 du Code du travail). Les régions sont chargées de la politique régionale de formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d’un emploi ou d’une nouvelle orientation professionnelle (L 6121-1 à L 6121-7 du Code du travail). Elles élaborent ainsi le contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelle, dont l’objet est l’analyse des besoins à moyen terme en matière d’emplois, de compétences et de qualifications et la programmation des actions de formation professionnelle des jeunes et des adultes, compte tenu de la situation et des objectifs de développement économique du territoire régional. Ce contrat vise à favoriser la formation professionnelle initiale et continue, en faveur des jeunes, mais tout en recherchant une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans chaque filière. Il vise aussi les adultes, pour leur maintien ou leur retour à l’emploi, et les personnes en situation de handicap.
Les régions contribuent à l’enseignement supérieur
On a souvent tendance à l’oublier, mais les régions détiennent également des compétences en matière d’enseignement supérieur. Les lois MAPTAM de 2014 et NOTRe de 2015 les ont confortées dans ce rôle : elles sont chefs de file dans ce domaine.
Bien qu’il s’agisse d’une compétence étatique, la politique d’enseignement supérieur et de recherche a bénéficié dans les faits, dès les années 1980, du concours financier croissant des collectivités territoriales, et en particulier des régions, face aux carences de l’État. Les régions ont en particulier répondu aux sollicitations croissantes des universités, pour faire face aux besoins liés à la massification de l’enseignement supérieur.
A ce titre, les régions coordonnent les initiatives territoriales visant à développer et diffuser la culture scientifique, technique et industrielle, notamment auprès des jeunes publics, et participent à leur financement. L’État transfère donc aux régions les crédits qu’il accordait à ces initiatives (article L 214-2 du Code de l’éducation).
Pour remplir cette mission, les régions établissent leur « schéma régional pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation » (SRESRI) qui doit s’articuler avec leur « schéma de développement économique » (SRDE-II) et celui concernant l’aménagement du territoire (SRADDET). Ce document est obligatoire : il définit une stratégie régionale quadriennale en matière d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation, visant à favoriser l’attractivité, la croissance et l’emploi.
L’enseignement supérieur est aussi visé par les contrats de projet État-région, qui prévoient les investissements, en particulier des opérations relatives à l’immobilier universitaire destiné à faire face à l’augmentation des effectifs, y compris de logement des étudiants. Ces contrats prévoient aussi des soutiens financiers à la construction d’équipements scientifiques et de recherche, des aides à la mise en réseau des acteurs dans le cadre des « politiques de site », « pôles de compétitivité », « réseaux thématiques de recherche avancée », plates-formes partenariales, etc.
Au-delà de ces contrats, les champs d’intervention des collectivités se sont progressivement enrichis et diversifiés : des régions ont engagé des actions parallèles ou complémentaires à celles de l’État et des CROUS en faveur des aides aux étudiants (bourses de mobilité, bourses doctorales, aide au financement d’équipement informatique), de la vie étudiante (accès à la santé, aux activités et équipements culturels et sportifs, soutien financier aux bibliothèques universitaires, transport, logement et restauration) ou encore de l’accueil des chercheurs étrangers ou du financement de chaires d’excellence.
Si la responsabilité de l’État en matière d’enseignement supérieur et de recherche reste centrale et n’est nullement remise en cause, les régions sont devenues des acteurs incontournables. Elles demandent à être reconnues comme de véritables partenaires de l’État associés aux décisions de politique universitaire et scientifique, à l’instar des collectivités d’un grand nombre de nos pays voisins (Italie, Espagne, Allemagne…), et pas seulement comme des « forces d’appoint » sur les questions immobilières et financières, cantonnées au rôle de palliatif face au désengagement de l’État.
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