Législatives 2024 : Le RN promet, via un projet de loi de finances rectificative, une réduction de la TVA de 20 % à 5,5 % sur les énergies (électricité, gaz, fioul) et le carburant
Autrice : Amandine Tochon, master droit de l’Union européenne à l’Université de Lille
Relecteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Source : La Croix, 24 juin 2024
La France est libre de fixer ses taux de TVA, mais ceux-ci doivent respecter certains seuils fixés par une directive de l’Union européenne. Une baisse jusqu’à 5,5 % concernant les carburants contreviendrait donc au droit européen.
Parmi les mesures économiques clés du Rassemblement National pour les élections législatives figure la réduction de la TVA sur les énergies. Le lundi 24 juin, lors de la présentation de son programme, Jordan Bardella a réitéré sa promesse de faire passer la TVA de 20% à 5,5% sur l’électricité, le gaz, le fioul et les carburants, en s’appuyant sur un projet de loi de finances rectificative. C’est possible uniquement pour l’électricité et le gaz, mais pas pour les autres énergies, en l’état du droit européen.
La possible réduction de la TVA sur le gaz et l’électricité
Appliquer une TVA réduite sur le gaz et l’électricité est possible grâce à la directive de 2006 sur le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée qui établit une liste limitative des exceptions au taux normal de TVA parmi laquelle figurent le gaz et l’électricité. Cette directive autorise les États membres de l’Union européenne à appliquer des taux réduits de TVA sur certains biens et services jugés essentiels.
D’après la directive européenne sur la TVA, chaque État membre peut décider d’appliquer un taux réduit d’au moins 5 % aux fournitures de gaz naturel, d’électricité et de chauffage urbain. Il n’y a donc aucun obstacle à la réforme proposée concernant l’électricité.
La réduction de la TVA sur le carburant et le fioul : un processus complexe
Selon la directive européenne sur la TVA, la réduction de la TVA sur le carburant et le fioul n’est pas possible car ils ne figurent pas sur la liste limitative des exceptions permanentes au taux normal de TVA. D’après cette dernière, seules certaines exceptions spécifiques sont autorisées, et toute dérogation doit être temporaire, comme ce fut le cas en Pologne en 2021 pour le carburant.
Pour contourner cette contrainte, les États membres doivent renégocier la liste des exceptions, une démarche complexe qui nécessite l’unanimité au sein du Conseil de l’Union européenne, soit un consensus difficile à obtenir.
Une décision qui aurait des conséquences importantes
Si le Rassemblement National décide de mettre en œuvre immédiatement les mesures requises sans procéder à la renégociation de la liste, elle s’expose à une condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cette condamnation entraînerait une amende pour non-respect des obligations européennes. La CJUE a le pouvoir de sanctionner les États membres qui ne se conforment pas aux directives et règlements de l’Union, et une telle amende pourrait avoir des répercussions financières significatives pour la France.
De plus, la baisse de la TVA sur l’énergie aurait un coût considérable pour les finances publiques, estimé à 17 milliards d’euros par an selon le ministère de l’Économie et des Finances. Cette réduction des recettes fiscales pourrait compromettre le financement des services publics et des programmes sociaux. Pour compenser cette perte, il faudrait soit augmenter d’autres taxes, soit réduire les dépenses publiques, ce qui pourrait nuire à l’économie et à la qualité de vie des citoyens. En outre, cette baisse pourrait accroître le déficit budgétaire, rendant plus difficile la gestion financière de l’État et limitant sa capacité à investir dans des projets d’infrastructure et de développement durable.
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