Crédit photo : Coucouoeuf (CC 3.0)

Legislative 2024 : Non, la coalition d’extrême droite n’a pas récolté près du double des voix du Nouveau Front Populaire

Création : 9 juillet 2024

Auteur : Antoine Mauvy, étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, étudiante à l’École publique de journalisme de Tours

Source : Compte Facebook, 8 juillet 2024

En présentant les soi-disant résultats en nombre de votants des élections législatives, donnant le RN largement en tête, certains internautes croient déceler une élection truquée. En réalité, les chiffres avancés sont faux, et la différence de voix entre le Rassemblement national et l’union de la gauche est tout à fait explicable.

Il semble que la nuit a été longue pour certains internautes le soir du second tour des élections législatives.  L’un d’entre eux a publié, aux alentours de 2h du matin, une publication sur Facebook indiquant que 9,3 millions d’électeurs auraient voté pour le Rassemblement national et pour les candidats de l’alliance LR-RN.

L’autre chiffre, qu’il présente comme un miroir au premier, est le résultat du Nouveau Front Populaire : 5,1 millions de voix. De quoi courroucer un bon nombre d’internautes qui y voit une « tricherie », puisque c’est le NFP qui est arrivée en tête des élections en nombre de sièges.

En réalité, les chiffres présentés sont faux, même si l’union de la gauche a bien obtenu moins de voix que le RN ce dimanche 7 juillet. Alors comment expliquer cet écart ?  Les Surligneurs se sont penchés sur la question.

Des chiffres erronés

En matière de résultats électoraux, c’est la publication du ministère de l’Intérieur qui fait foi. Nous pouvons les retrouver sur le site de la place Beauvau.

Le ministère de l’Intérieur n’utilise pas la même nomenclature que les candidats à l’élection pour désigner les partis politiques auxquels ils sont affiliés. Ainsi, l’étiquette politique (Rassemblement national, Nouveau Front populaire, Ensemble,…) utilisée par les candidats est à distinguer de la nuance politique, utilisée par l’administration pour désigner les forces politiques lors de la publication des résultats.

Pour les élections législatives de 2024, c’est une circulaire datant du 11 juin 2024, émise par le ministre de l’Intérieur, à l’intention des préfets et des haut-commissaires, qui liste les différentes nuances politiques. Ainsi, le libellé “UXD” correspond aux candidats ayant suivi Éric Ciotti dans la scission avec Les Républicains, se rapprochant du Rassemblement national. “RN” correspond au Rassemblement national et “UG” aux candidats du Nouveau Front populaire.

Ceci étant dit, à vos calculatrices ! En ajoutant les voix récoltées par les candidats “UXD” et “RN”, nous arrivons à un peu plus de 10 millions d’électeurs. Du côté du libellé “UG”, le ministère de l’Intérieur rapporte 7 millions de votants. Loin donc des chiffres annoncés par notre internaute.

Un scrutin anti-démocratique ?

Même si nous avons démontré les erreurs manifestes de ce post, le résultat interpelle. Comment le Nouveau Front populaire peut-il arriver en tête avec 182 députés élus, tout en ayant près de 3 millions de voix de moins que la coalition RN-LR au second tour ?

Cette différence peut s’expliquer de plusieurs manières, sans que cela soit qualifié de “tricherie”, comme le font certains internautes. Premièrement, le mode de scrutin des législatives, uninominal majoritaire à deux tours, entraîne un phénomène de déformation.

Expliquons simplement : dans une circonscription comportant 120 000 habitants (correspondant à la moyenne nationale de 2022) si un candidat  est élu à 51 %, il aura récolté, dans un monde ne connaissant pas l’abstention, 61 200 voix. S’il est élu avec une majorité forte, comme 70 %, il aura récolté 84 000 voix. Mais dans chacun de ces deux cas, il n’occupera qu’un seul siège à l’Assemblée nationale.

Ainsi, il suffit que le RN est obtenu des scores plus larges que le NFP pour que mécaniquement, son nombre de voix soit supérieur, mais pas forcément son nombre de sièges.

Front républicain

Ensuite, certains candidats ont été élus dès le premier tour de ces élections législatives. Ces derniers avaient obtenu plus de 50 % des suffrages exprimés et au moins 25 % des voix des électeurs inscrits, dès le 30 juin. C’est autant de voix qui ne se sont pas reportées pour le second tour, les électeurs ayant déjà fait leur choix. À cela, s’ajoute la mise en place du Front républicain.

Dans près de 130 circonscriptions, des candidats du Nouveau Front populaire se sont désistés au profit d’un candidat d’un autre parti politique. Autant de voix potentielles qui n’ont, de fait, pas été données au Nouveau Front populaire.

“Il y a un substrat politique certain, au profit du RN et c’est le mode de scrutin, d’une part, et les alliances du Front républicain, d’autre part, qui ont fait que ça ne s’est pas totalement traduit dans l’attribution des sièges à l’Assemblée nationale”, confirme Jean-Pierre Camby, professeur associé de droit à l’université Versailles Saint-Quentin et spécialiste du Code électoral.

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