Sébastien Meurant (ancien sénateur LR) : « le Rassemblement national n’est pas d’extrême droite »

Création : 18 juin 2024
Dernière modification : 26 juin 2024

Autrice : Sarah Auclair, doctorante en droit à l’Université Paris-Est-Créteil

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle

Source : NewsdayFR, 14 juin 2024

Selon le juge, l’administration n’a pas commis « d’erreur manifeste » en classant le RN à l’extrême droite. Autrement dit, il s’en remet à l’administration tout en surveillant de loin qu’il n’y ait pas d’erreur grossière. Mais sur quels critères ?

Sébastien Meurant, ancien sénateur et membre du parti Reconquête ! depuis 2022, a récemment exprimé son soutien à Éric Ciotti pour son alliance avec le Rassemblement National, tout en niant que ce parti soit d’extrême droite. Cette affirmation politique échappe à notre commentaire, mais qu’en est-il en droit ?

La neutralité supposée du droit

En principe, la classification des partis politiques en France ne relève pas du domaine juridique : dans une démocratie, ni les lois, ni les décrets, ni même la Constitution ne sont censés déterminer la position d’un parti politique sur un spectre allant de l’extrême droite à l’extrême gauche. Ce cadre analytique est plutôt l’apanage des politistes, sociologues et autres disciplines des sciences sociales, à l’exception du droit. Cependant, l’organisation des élections nécessite une certaine structuration pour clarifier les choix et les résultats électoraux, ce qui impose l’application de règlements officiels uniformes sur tout le territoire français.

Les « nuances politiques » à distinguer des étiquettes : comment ça marche ?

C’est ainsi qu’une circulaire du 16 août 2023 précise le processus d’attribution par l’administration de nuances politiques à chaque parti ou candidat.

Si les candidates et candidats se présentent sous une « étiquette politique », ils sont alors enregistrés sous la « nuance politique » du parti qui les a investis. Autrement dit, ils sont classés par l’administration sous la bannière du parti politique dont ils se réclament et qui les soutient, généralement en abrégé : LFI, PS, LR, RN, etc.

Si le candidat ou la candidate ne se réclame d’aucune étiquette, ce qui est fréquent en zone rurale, il faut néanmoins les classer pour publier les résultats et dresser une liste des élus.

C’est là qu’un choix a été fait par le ministère de l’Intérieur depuis le XIX ° siècle : les préfets attribuent « une nuance de sensibilité : LEXG, LDVG, LREG, LECO, LDVC, LDVD, LEXD« . Cette grille de nuances s’applique également aux listes candidates, au-delà de leur étiquette spécifique, les regroupant ainsi en « blocs ». Bien que l’exercice puisse paraître subjectif, il repose sur un « faisceau d’indices concordants et objectifs », comme la trajectoire politique des candidat.e.s, leurs positions publiques, leur programme de campagne, ou leurs affiliations partisanes. Cette nuance est essentielle pour garantir l’analyse électorale, elle assure la clarté et la transparence des résultats pour les citoyennes et citoyens.

Cette classification n’a pas été reçue sans contestation. Le Rassemblement National, étant classé à l’extrême droite, l’a jugée inappropriée et stigmatisante, ce qui l’a conduit à contester la circulaire devant le Conseil d’État, qui a rendu sa décision le 11 mars 2024.

Le juge valide le classement du RN à l’extrême droite

Le Rassemblement avançait pour argument (en droit, on dit « moyen ») le fait que le classement LEXD portait sur une atteinte au principe d’égalité : le RN est classé à l’extrême droite tandis qu’est attribuée la nuance « Gauche » aux formations politiques comme le Parti communiste français et La France insoumise. Mais le Conseil d’État, dont on aurait souhaité qu’il étaye sa réponse, a jugé que cette classification ne violait pas le principe d’égalité.

Le second argument du Rassemblement National portait sur le fait que le classement « extrême droite » d’un parti qui se réclame de la « droite » porte atteinte au principe de sincérité du scrutin, c’est-à-dire que cela trompe les électeurs et électrices sur la véritable identité du parti en question. Le Conseil d’État a répondu que ce choix de nuance politique n’était « entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation« . En termes juridiques, « manifeste » signifie « évident » ou « qui n’a pas besoin d’être démontré » ; autrement dit, il ne saute pas aux yeux que le Rassemblement National ne soit pas d’extrême droite.

Le Conseil d’État a ainsi validé la classification du Rassemblement National comme parti d’extrême droite, tout en restant prudent et en évitant d’en dire trop sur les critères qu’il a pris en compte. Cette situation reflète la complexité du nuançage administratif des partis politiques, qui se transforme en une stratégie électorale : les contentieux se multiplient, et le juge craint d’être instrumentalisé à des fins de communication politique.

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