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#LegalCheck. Programme PCF aux élections européennes : “Nous voulons que soit révisée la procédure législative européenne afin d’y associer effectivement les Parlements nationaux”

Création : 29 mai 2024

Autrice : Émilie Delcher, maître de conférences en droit européen à l’Université de Nantes

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle

Source : Programme du Parti Communiste

Si les Parlements nationaux ne sont pas actuellement associés à la procédure législative de l’UE, ils disposent toutefois d’un pouvoir de blocage qui a pu obliger la Commission européenne à revoir ses textes. Mais il est vrai que les Parlements nationaux pourraient être mieux associés au travail législatif.

Par son programme, le PCF souhaite “en finir avec la multiplication des règlements (qui s’appliquent directement, sans passer par les Parlements nationaux), au détriment des directives (qui, elles, doivent être transposées par les Parlements nationaux)”, ce qui nécessite une explication : les traités européens ont en effet prévu, dès 1957 (Traité de Rome) deux outils d’harmonisation des législations nationales pour atteindre l’objectif du marché commun d’abord puis de l’Union européenne. Les règlements européens sont des actes qui s’appliquent directement dans le droit interne, dès qu’ils sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne. Ils servent de fondement à des lois, des règlements internes et des décisions administratives individuelles telles que des autorisations ou des sanctions. Les directives fixent des objectifs d’harmonisation à plus ou moins long terme, que les États transposent, selon leurs systèmes respectifs, par des lois ou des règlements internes. Les parlements et les exécutifs nationaux disposent donc d’une marge de manœuvre sur les moyens d’atteindre ces objectifs fixés par les directives.

Or, il est vrai que les règlements européens tendent à devenir bien plus fréquents que les directives, notamment dans les secteurs des technologies ou écologiques, où la législation se doit d’être très précise. Dans ce cas, le règlement européen est plus approprié qu’une directive qui risque de donner lieu à des transpositions divergentes de chacun des États. Mais dans les deux cas, ce n’est pas le Parlement européen qui décide.

Les parlements nationaux ne participent pas à la procédure législative de l’Union…

La procédure législative ordinaire, prévue à l’article 294 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, est celle qui est applicable dans la plupart des domaines de compétences de l’Union (lorsqu’elle légifère par exemple en matière d’environnement ou d’agriculture) : elle suppose d’abord une initiative législative de la Commission européenne. C’est elle seule qui rédige les projets de lois européennes (qui, formellement, prennent la forme de règlements ou de directives), qui seront soumis au Parlement européen (élu au suffrage universel direct tous les 5 ans)  et au Conseil de l’Union européenne (composé d’un ministre pour chaque État membre, en fonction de l’ordre du jour : s’il est question de Politique agricole commune, les 27 ministres en charge de l’agriculture sont présents). Le Parlement européen et le Conseil de l’UE sont donc placés sur un pied d’égalité et doivent tous deux approuver le texte proposé par la Commission pour que celui-ci soit adopté.

Quant aux parlements nationaux, ils ne jouent donc pas un rôle actif dans la procédure, même s’ils peuvent tenter d’exercer une influence sur leurs gouvernements ou les eurodéputés dans le cadre d’un dialogue avec le Parlement européen. Les parlements nationaux ne sont néanmoins pas totalement exclus de la procédure.

… mais ils ont un pouvoir d’opposition

Les parlements nationaux jouissent d’une faculté d’opposition depuis le Traité de Lisbonne, lorsqu’ils estiment qu’un projet de règlement ou de directive européens porte atteinte au principe de subsidiarité (Protocole annexé au traité). Le principe de subsidiarité suppose que les décisions doivent être prises au niveau le plus proche possible des citoyens. En somme, ce n’est que lorsqu’il est plus efficace qu’une norme soit adoptée au niveau de l’UE toute entière que celle-ci peut intervenir. Les Parlements nationaux ont intérêt à ce que la subsidiarité soit respectée : lorsqu’une action est plus efficacement réalisée au niveau national, alors c’est à eux qu’il appartiendra de légiférer sur la question.

En pratique, pour que les Parlements puissent exercer ce contrôle, la Commission européenne est tenue de leur adresser tous ses projets de règlements ou directives européens. Les Parlements nationaux peuvent alors voter un « avis motivé » par lequel ils déclarent estimer que la proposition contrevient au principe de subsidiarité. Chaque Parlement national dispose de deux voix, et quand ce Parlement comprend deux chambres (en France, Sénat et Assemblée nationale), chacun a une voix. Si un tiers du total de voix (soit 54 pour 27 États) adopte un « avis motivé », alors la Commission est tenue de réexaminer sa proposition : elle peut décider de maintenir sa proposition, de la modifier ou de la retirer. On peut alors parler de « carton jaune ». Si les avis motivés représentent la majorité des voix, alors la Commission doit aussi réexaminer son texte. Si elle décide de le maintenir, une majorité simple du Parlement européen ou 55% des membres du Conseil suffisent à stopper l’examen du projet. On parle alors de « carton orange ».

Il existe enfin un « carton rouge » :  un Parlement national peut saisir la Cour de Justice de l’Union européenne pour obtenir l’annulation d’un texte, une fois celui-ci adopté, s’il s’avérait contraire au principe de subsidiarité.

Bilan de cette capacité de blocage

À ce jour, la majorité des voix des parlements nationaux contre une proposition de la Commission n’a jamais été atteinte. Mais les parlements nationaux ont tout de même réussi à contraindre la Commission à revoir sa position à trois reprises : une première fois en 2012 concernant un règlement sur le droit de grève dans le cadre de la libre prestation des services ; une deuxième fois en 2013 concernant la création du Parquet européen ; enfin en 2016, concernant le détachement des travailleurs. La Commission a finalement décidé de retirer son projet en 2012, mais a maintenu les deux suivants.

Cette capacité de blocage des parlements nationaux pourrait être, il est vrai, complétée par la possibilité de participer plus activement à la procédure législative de l’Union. Ils pourraient contribuer, à côté du Parlement européen qui représente les citoyens de l’Union, à renforcer le fonctionnement démocratique de l’Union. Cela supposerait une révision des traités, procédure longue et complexe, qui requiert notamment l’accord unanime des États-membres.

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