#LegalCheck. L’exclusion d’Éric Ciotti des Républicains était-elle régulière ?

Création : 13 juin 2024
Dernière modification : 18 juin 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Source : Compte X de Bruno Retailleau, 12 juin 2024

La procédure qui a conduit à exclure Eric Ciotti pourrait bien être déclarée illicite par le juge des référés si le Bureau n’a pas été convoqué conformément au Règlement intérieur du parti. Les faits tels que relatés par la presse semblent montrer que les statuts du parti n’ont pas été respectés.

“Coup d’État” chez Les Républicains ? Alors que commence la campagne pour des élections législatives anticipées après la dissolution de l’Assemblée nationale, Eric Ciotti, président du parti gaulliste, a appelé à une alliance avec le Rassemblement national, une décision qui a fait réagir parmi les cadres du parti. En réponse, Annie Genevard, secrétaire générale des Républicains, a convoqué un bureau politique extraordinaire, lequel a voté à l’unanimité l’exclusion d’Eric Ciotti, non seulement de la présidence du parti, mais aussi du parti même. Une décision que ne reconnait pas l’intéressé, jugeant qu’elle n’a pas de valeur juridique.

Les statuts du parti non respectés ?

Il n’existe pas de loi ou règlement national en la matière, chaque parti s’organise librement dans un cadre associatif, avec des statuts. Pour les LR, l‘article 5 du Règlement intérieur du parti fixe les modalités d’exclusion des adhérents. Il prévoit que c’est le bureau politique qui décide d’une sanction envers un adhérent, allant de la suspension à l’exclusion. En l’occurrence, c’est bien le bureau politique qui a décidé de l’exclusion d’Eric Ciotti, mais la convocation du Bureau n’aurait pas été émise par la bonne personne.

Un bureau convoqué irrégulièrement ?

Le bureau politique extraordinaire qu’Annie Genevard a annoncé avoir convoqué s’est tenu vingt-quatre heures après les propos d’Eric Ciotti. Or, l’article 23 du Règlement intérieur prévoit que “la réunion du Bureau Politique a lieu au plus tard huit jours après réception de la demande par le Président du Mouvement“. C’est donc le président du parti qui convoque le bureau politique, sur demande de trois quarts des membres du Bureau. Est-ce que cette demande a bien été envoyée au président qui l’aurait reçue ?

Par exception, les statuts du parti ajoutent que le bureau peut être convoqué par une autre personne que le Président du parti. L’article 25 des Statuts du parti LR prévoit qu'”en cas d’empêchement, le Président du Mouvement est remplacé par le Vice-président délégué“. Si c’est le vice-président actuel, à savoir François-Xavier Bellamy, qui a convoqué le bureau, encore faut-il prouver qu’il a reçu une demande en ce sens, et surtout que le Président en exercice était empêché. S’il ne l’était pas, François-Xavier Bellamy n’avait pas compétence pour convoquer le Bureau. Dans tous les cas, les règles internes du parti ne prévoient pas que cette compétence revienne au Secrétaire général du parti. Si c’est Annie Genevard qui a convoqué le Bureau pour exclure Eric Ciotti, comme elle l’a annoncé sur X (anciennement Twitter), la convocation serait illicite, ce qui rendrait la réunion de bureau et la sanction contre Eric Ciotti nulle et non avenue. Les Surligneurs ne disposant pas de la convocation du Bureau Politique du 12 juin 2024, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses.

Ajoutons, au vu des faits relatés par la presse, qu’Eric Ciotti n’aurait pas non plus eu le droit à une procédure contradictoire, comme le prévoit l’article 5 du Règlement intérieur.

Eric Ciotti pourrait donc invoquer les Statuts et le Règlement intérieur devant le juge judiciaire, compétent pour traiter des litiges internes aux partis politiques et aux associations. La Cour de cassation a rendu une décision en 2017 en ce sens dans un litige qui opposait Jean-Marie Le Pen et le Front national à propos de la suppression de la présidence d’honneur. Les querelles internes à un parti politique opposent des personnes privées au sein d’une structure privée, qui relèvent du tribunal judiciaire. D’ailleurs, Eric Ciotti a annoncé avoir saisi le tribunal judiciaire en référé. Celui-ci devrait statuer prochainement.

Ajout le 14 juin 2024 à la suite de la décision du Tribunal judiciaire de Paris : le juge des référés a décidé de suspendre les décisions des Bureaux politiques de LR des 12 et 14 juin qui excluaient Eric Ciotti. Le juge considère qu’il y a un conflit d’interprétation des règles internes trop important. Eric Ciotti reste président du parti, jusqu’à la décision sur le fond, qui déterminera si la procédure d’exclusion respectait les modalités internes des Républicains. Affaire à suivre…

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