#LegalCheck. Jordan Bardella propose d’abaisser la TVA sur l’électricité, le gaz et le carburant de 20% à 5,5%
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Source : Le Monde, 12 juin 2024
La France est libre de fixer ses taux de TVA, mais ceux-ci doivent respecter certains seuils fixés par une directive de l’Union européenne. Une baisse jusqu’à 5,5 % concernant les carburants contreviendrait donc au droit européen.
Jordan Bardella, président du Rassemblement national, dévoile le programme de son parti pour les élections législatives des 30 juin et 7 juillet. Parmi ses propositions : modifier la TVA sur l’électricité, le gaz et le carburant et de la fixer à 5,5%. Bien que ce soit possible pour les deux premiers, ce ne sera pas possible pour le carburant, en l’état du droit européen.
La proposition du président du RN n’est pas nouvelle au sein de son parti. Marine le Pen et Philippe Ballard l’avaient déjà formulée, des propos que nous avions alors surlignés.
Le taux normal
La taxe sur la valeur ajoutée, communément appelée TVA, est un impôt indirect sur la consommation. Elle n’est pas collectée par l’État directement mais par le vendeur, qui la reversera ensuite à l’État. Car en réalité, c’est le consommateur qui paie la TVA, avec un taux assis sur le prix du produit ou du service, ce qui fait que mécaniquement, plus le prix augmente avec l’inflation, plus la TVA augmente. En période d’inflation, c’est un peu la double peine pour les consommateurs, et plus de rentrées d’argent pour l’État.
Il est nécessaire de rappeler que chaque État membre de l’Union européenne détermine son taux de TVA sur les biens et services, avec tout de même un taux minimal de 15 %. En France, le taux est fixé par la loi à 20 % depuis 2014. Il était auparavant à 19.6 %, et il est même monté à 20.6 % entre 1995 et 2000. Il existe donc une marge pour baisser ce taux comme le souhaite Jordan Bardella, mais pas jusqu’à 5 %.
Les taux réduits
Selon la directive européenne sur la TVA, tout État membre peut choisir d’appliquer un taux réduit d’un minimum de 5 % aux fournitures de gaz naturel, d’électricité et de chauffage urbain. Il n’y a donc pas d’obstacle à la réforme proposée pour l’électricité.
Toutefois, le fioul et le carburant ne figurent pas dans la directive TVA, ce qui signifie qu’un taux de TVA inférieur à 15 % appliqué à ces produits serait contraire à la législation européenne. Surtout, lorsque les États membres se sont mis d’accord à la fin de l’année 2022 pour ajouter à cette directive une liste de nouveaux produits pouvant bénéficier d’un taux réduit, voire d’une exonération totale de TVA, ils ont expressément refusé d’ajouter les produits néfastes pour l’environnement : il serait contraire à l’objectif de transition énergétique d’appliquer des taux réduits de TVA aux biens et services polluants (voir l’annexe de la directive TVA).
S’il devenait Premier ministre, Jordan Bardella devra donc négocier une nouvelle modification de la directive TVA pour y inclure les carburants, ce qui ne sera pas facile compte tenu de ce qui précède. À défaut, le RN ne pourra que proposer une baisse générale de la TVA de 20 à 15 %, ou encore la mise en place d’aides ciblées pour les plus démunis, par exemple un chèque énergie, des mesures qui existent déjà, qui sont permises par la législation européenne, et que le RN peut très bien suggérer de renforcer.
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