L’EFCSN se dit déçu par la fin du programme de fact-checking de Meta aux États-Unis et condamne les déclarations liant la vérification des faits à la censure

Création : 8 janvier 2025

Auteur : EFCSN, traduit de l’anglais par Nelly Pailleux

L’EFCSN condamne fermement les déclarations du PDG de Meta liant le fact-checking à la censure. Le retrait des plateformes de la lutte contre la désinformation ouvre la voie à des ingérences électorales. L’EFCSN encourage l’Union européenne à rester ferme face à de telles pressions politiques et à poursuivre ses efforts pour freiner la désinformation sur les très grandes plateformes en ligne (VLOPs).

Le European Fact-Checking Standards Network (EFCSN) exprime sa déception face à la décision de Meta de mettre fin à son programme de vérification des faits par des tiers, « à commencer par les États-Unis », et condamne fermement les déclarations de son PDG liant la vérification des faits à la censure. « Cela semble davantage être une décision politiquement motivée, prise dans le contexte de la nouvelle administration de Donald Trump aux États-Unis, qu’une décision fondée sur des preuves », déclare Clara Jiménez Cruz, présidente de l’EFCSN. L’EFCSN encourage l’Union européenne à résister à de telles pressions politiques et à ne pas renoncer à ses efforts pour endiguer la désinformation sur les très grandes plateformes en ligne.

La vérification des faits n’est pas une forme de censure, bien au contraire : elle enrichit le débat public en apportant du contexte et des faits permettant à chaque citoyen de se forger sa propre opinion. La vérification des faits a maintes fois prouvé son efficacité pour contrer la désinformation. Assimiler la vérification des faits à de la censure est une affirmation fausse et malveillante. Les factcheckers ne « censurent » personne. Nos membres [les membres de l’EFCSN] enquêtent et publient des preuves montrant que certaines affirmations peuvent être fausses. Ce fut toujours à Meta de décider quoi faire du contenu identifié par les vérificateurs de faits, et non à nous [fact-checkers].

L’EFCSN refuse la manière dont le PDG de Meta, Mark Zuckerberg, a caractérisé les vérificateurs de faits et les journalistes dans son annonce. Pour justifier la fin du programme Third Party Fact-Checking (3PFC), Zuckerberg affirme que « les vérificateurs de faits ont été trop politiquement biaisés et ont détruit plus de confiance qu’ils n’en ont créée ». Cette affirmation est manifestement fausse. Les vérificateurs de faits respectent les normes journalistiques les plus strictes en matière de neutralité, de transparence, d’intégrité et de responsabilité, avec des organismes comme l’EFCSN garantissant ces normes à travers un audit indépendant. Lier la vérification des faits à la censure est particulièrement nuisible, car de telles affirmations fallacieuses alimentent déjà le harcèlement et les attaques contre les vérificateurs de faits. Renforcer ces allégations ne peut qu’aggraver une situation déjà préoccupante pour les factcheckers dans le monde entier.

Alors que plusieurs pays européens se préparent à organiser des élections en 2025, le retrait des plateformes du combat contre la désinformation permet, et pourrait même encourager, des ingérences électorales, notamment par des acteurs étrangers. L’UE, en particulier, doit rester ferme dans l’application de ses propres lois, même face à des pressions d’autres pays.

Ce que disent les faits (et Meta) sur l’impact du programme de vérification des faits par des tiers

Dans son annonce, Meta a également assimilé le système d’étiquetage de faux-contenus vérifiés à une forme de censure, affirmant : « Un programme censé informer est trop souvent devenu un outil de censure. » Cela est en réalité l’opposé du fonctionnement d’un système d’étiquetage. Les labels sur la désinformation permettent aux utilisateurs de prendre des décisions éclairées sur le contenu à consulter ou à partager. L’année dernière, à l’approche des élections parlementaires européennes de 2024, Meta a souligné l’efficacité de son système d’étiquetage, déclarant : « Entre juillet et décembre 2023, par exemple, plus de 68 millions de contenus vus dans l’UE sur Facebook et Instagram portaient des étiquettes de vérification des faits. Lorsqu’une étiquette de vérification est apposée sur une publication, 95 % des gens ne cliquent pas pour la voir. »

Meta avait également précédemment salué son programme 3PFC comme étant efficace et bénéfique pour les utilisateurs, déclarant : « Nous savons que ce programme fonctionne et que les utilisateurs apprécient les écrans d’avertissement que nous appliquons au contenu après qu’un partenaire de vérification des faits l’a évalué. » Dans le dernier communiqué de presse, le PDG de Meta évoque « trop d’erreurs et trop de censure », mais le dernier rapport de transparence DSA de Meta montre que les contenus invisibilisés par erreur ne représentent que 3,15 % du total des plaintes pour modération sur Facebook.

Le modèle Community Notes proposé comme alternative au programme 3PFC présente également des faiblesses. Les Community Notes pourraient être utilisées pour contrer des affirmations fausses, à condition qu’elles soient basées sur un travail d’expertise et de vérification rigoureux. Dans le contexte des élections américaines de 2024, Poynter a constaté que les Community Notes de X avaient, au mieux, un effet extrêmement marginal pour combattre la désinformation électorale. Dans une autre enquête, Science Feedback, membre de l’EFCSN, a constaté que la plupart des contenus jugés faux ou trompeurs sur X (anciennement Twitter) ne présentaient aucun signe visible de modération.

Lire le communiqué sur le site de l’EFCSN (en anglais)

Le European Fact-Checking Standards Network est une association d’organisations de vérification des faits qui s’engagent à respecter les normes d’indépendance, de transparence et de qualité journalistique définies dans le Code européen des normes pour les organisations indépendantes de vérification des faits. Avec plus de 50 membres vérifiés à travers l’Europe, l’EFCSN est la voix des vérificateurs de faits européens.

La rédaction n’a pas pris part à l’écriture de cet article. 

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