L’Éducation nationale a-t-elle vraiment perdu 750 000 élèves ces dix dernières années, comme l’affirme la ministre Anne Genetet ?
Autrice : Jeanne Boyer, étudiante en journalisme à l’école W
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Lili Pillot, journaliste
Source : BFMTV, le 12 novembre 2024
La ministre de l’Éducation nationale déclare que depuis 10 ans, on a perdu 750 000 élèves. Certes, les effectifs scolaires se sont réduits ces dernières années, mais le chiffre avancé est beaucoup trop élevé. Selon les projections, on pourrait avoir 750 000 élèves en moins… en 2027.
L’Éducation nationale va devoir se serrer la ceinture. Parmi les mesures proposées par le gouvernement pour réduire le déficit public dans le projet de loi de finances 2025, on retrouve la suppression de 4 000 postes d’enseignants.
Un des arguments avancés par le gouvernement pour justifier cette mesure : il y a de moins en moins d’élèves sur les bancs de l’école. Comment l’expliquer ? Tout simplement, parce que la natalité est en baisse en France.
Interrogée sur la suppression des postes d’enseignants par BFMTV le 12 novembre, Anne Genetet, la ministre (controversée) de l’Éducation nationale, donne des précisions sur cette baisse du nombre d’élèves en France. Selon elle, “depuis 10 ans, on a perdu 750 000 élèves”.
Sauf que la ministre s’est emmêlé les pinceaux avec les chiffres. Les Surligneurs font le point.
Entre 200 000 et 300 000 élèves de moins en dix ans
Le nombre d’élèves en France a bel et bien diminué depuis les années 2010 d’une façon générale, mais il y a des différences entre les niveaux scolaires. “En termes d’effectifs, entre 2014 et 2023, ils ont baissé de 424 000 élèves dans le 1ᵉʳ degré [maternelle et élémentaire, ndlr] et ont augmenté de 188 000 élèves dans le 2nd degré [collège et lycée, ndlr]”, nous écrit le Bureau de presse de l’Éducation nationale par mail. Ce qui ferait une baisse totale de 236 000 élèves. Un chiffre bien plus bas que celui avancé par la ministre.
Ses chiffres proviennent de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), dont les données sont disponibles en ligne pour le premier et le second degré.
Le chiffre erroné indiqué par la ministre a été repris sur les réseaux sociaux. Par exemple, un internaute assure, lui, qu’il y a 750 000 élèves en moins… mais depuis 20 ans. Sauf que ce chiffre est aussi faux. Entre 2003 et 2023, les effectifs scolaires se sont réduits de 109 566 élèves, selon les données de la DEPP.
Si cela peut paraître étrange que les effectifs scolaires soient réduits de 100 000 en 20 ans et de 200 000 en 10 ans, c’est tout à fait normal : les effectifs du premier degré ont connu un pic sur la première décennie, dans les années 2010, pour ensuite chuter fortement.
Le bon ordre de grandeur… mais en 2027
La ministre ne sort pas son chiffre de 750 000 de nulle part pour autant.
Le Bureau de presse de l’Éducation nationale nous indique, sur la base des chiffres de la DEPP, qu’entre 2018 et 2027, le nombre d’élèves devrait diminuer de 726 100, voire 766 700, selon les fourchettes basses ou hautes. Dans le projet de loi de finances 2025 pour l’Éducation nationale, il est inscrit qu’entre 2018 et 2027, l’effectif scolaire va diminuer de 700 000 élèves.
Le ministère de l’Éducation nationale nous confirme “qu’on note en cumulé une baisse de 750 000 entre 2018 et 2027 qui correspond bien aux données publiées par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) à partir des prévisions émises”.
Autrement dit, le chiffre avancé par la ministre de l’Éducation nationale sur le plateau de BFMTV ne correspond pas à la perte d’élèves ces dix dernières années, mais à une projection entre 2018 et 2027.
Cette perte d’élèves justifie-t-elle de baisser le nombre d’enseignants ? La mesure fait fortement débat. Le syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC), dans un communiqué de presse du 10 octobre, dénonce “une saignée monstrueuse”. D’après eux, faire baisser le nombre de professeurs, même s’il y a moins d’élèves, ne pourrait garantir qu’il y ait un enseignant devant chaque classe, un objectif pourtant affiché par le gouvernement.
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