Lecture : Le droit dans la saga Harry Potter, par Valère Ndior et Nicolas Rousseau, Enrick B Éditions
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng
Il y a finalement du droit dans ce monde magique de non-droit, et aussi de la magie dans ce droit…
Une recension de : Le droit dans la saga Harry Potter, par Valère Ndior et Nicolas Roussea Enrick B Éditions
Deux moldus, Valère Ndior, professeur de droit, et Nicolas Rousseau, inspecteur des finances publiques (comme quoi…), ont réuni plusieurs autres juristes fans de la saga (dont certains sont membres des Surligneurs !!) pour rédiger une une sorte de traité de législation poudlardienne, passant en revue les fondements juridiques – et les incohérences – d’un système qui s’inspire du droit constitutionnel britannique pour ce qui est de sa constitution coutumière.
On y trouve certains attributs d’un État : un gouvernement magique avec ses ministères dont celui de la Magie, enfoui sous Londres ; une législation foisonnante, avec notamment le “Code d’utilisation des baguettes magiques” dont découle le permis de port de baguette magique. Le monde magique ne se limitant pas à la Grande-Bretagne, il existe un “Département de la coopération magique internationale” qui assure le lien avec les autres communautés magiques, signant ainsi des traités internationaux comme le “Code international du Secret Magique“. Plus largement, la Confédération internationale des sorciers rappelle l’ONU.
Dans le détail toutefois, les auteurs notent bien des curiosités, comme l’élection du ministre de la Magie (du moins en principe) pour un mandat à durée variable. Autres étrangetés, un État sans ressources apparentes qui pourtant emploie un grand nombre de fonctionnaires, ou encore un sport national – le Quidditch – aux règles pour le moins souples, avec des participants par nature dopés – car sorciers – et une triche officiellement admise.
Une négation parfaite de l’Etat de droit
Plus fondamentalement, le monde des sorciers se caractérise par l’absence totale d’État de droit. La magie des pouvoirs semble incompatible avec leur séparation, puisque le ministère de la Justice est aussi celui du Jugement et qu’aucun parlement digne de ce nom n’apparaît. Une police omniprésente (la police des usages de la magie, les Aurors chargés d’éliminer les mages noirs), une société sous surveillance constante, une justice archaïque faisant peu de place aux droits de la défense, des peines inhumaines (les sortilèges) que réprouverait la Cour européenne des droits de l’homme, ou encore un système carcéral digne du bagne.
En somme, un gouvernement oppressif, n’hésite pas à écrire un des contributeurs, qui serait lié à l’état d’urgence permanent qui règne en ce monde magique secret et menacé. D’autant qu’on a à faire à un monde de castes (sorciers, harpies, elfes de maison, gobelins, etc.) aux droits très inégaux, avec une ségrégation à l’égard des sang-mélé. Seule consolation, une égalité hommes femmes parfaite, la baguette magique dispensant des corvées de ménage !
Cette saga, qui aurait dû être classée parmi les dystopies juridiques, est érigée par un des auteurs ayant contribué à l’ouvrage en modèle de non-droit, où la “justice passe par la violation de la règle injuste” (J.B. Thierry). Du droit de la magie à la magie du droit…
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