Grégory Doucet, maire de Lyon : “Le traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande nous oblige à importer 38 000 tonnes de viande”
Dernière modification : 28 février 2024
Auteur : Vincent Couronne, chercheur associé en droit européen au centre de recherches Versailles Institutions Publiques, enseignant en droit européen à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Liens d’intérêts : aucun – Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
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Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle
Source : Compte X de Grégory Doucet, 22 février 2024
L’accord entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, qui n’est pas encore entré en vigueur, prévoit seulement que sur l’ensemble des importations de mouton dans l’Union, les 38 000 premières tonnes sont exemptes de droits de douane.
Sur France 2, jeudi 22 février, le maire de Lyon, Grégory Doucet, intervenait sur la crise qui secoue le monde agricole. Après avoir déploré la signature du traité commercial entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande, le maire écologiste a déclaré que ce “traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande nous oblige à importer 38 000 tonnes de viande“. C’est faux.
Les 38 000 tonnes sont un maximum autorisé… dans sept ans
Mieux vaut aller à la source et compulser le traité-même, dans ses annexes, en particulier celle intitulée Tariff elimination schedule (Echéancier de l’élimination des tarifs douaniers). Deux tableaux en pages 10 à 12 montrent clairement que Grégory Doucet s’est exprimé sans aller à la source, probablement sur la base d’une désinformation volontaire ou non.
Cette annexe fait clairement apparaître que l’Union européenne ne sera aucunement obligée d’importer 38 000 tonnes de viande. Le texte prévoit que ces 38 000 tonnes, qui ne concernent que la viande de mouton sous différentes formes (fraîche ou congelée), sont un maximum exempté de droits de douane, qui n’entrera en vigueur que progressivement, en sept ans. La première année, seules 16 000 tonnes seront exemptées, pour arriver en sept années à 38 000 tonnes.
Si l’Union importe plus de 38 000 tonnes, des droits de douane s’appliqueront au tarif plein pour toutes les quantités supplémentaires, comme c’est déjà le cas aujourd’hui. Et si l’Union achète moins de 38 000 tonnes, il ne se passera rien. Une brochure vulgarisée éditée par la Commission européenne explique en anglais cette progressivité de l’exemption des droits de douane, qui d’ailleurs s’appliquera aussi au lait en poudre, au beurre, ou encore au fromage, au vin et au chocolat.
38 000 tonnes à l’échelle de l’Union
Par ailleurs, ces 38 000 tonnes sont autorisées sans droits de douane à l’échelle de l’Union européenne, pas de la France. Rien n’oblige le consommateur français à acheter de la viande néo-zélandaise au supermarché. En 2023, l’Union européenne a importé 66 400 tonnes de viande ovine de Nouvelle-Zélande. Lorsque l’accord entrera en vigueur, le seul effet sera donc d’exempter les 38 000 premières tonnes de droits de douane. Elles seront donc vendues moins chères dans les supermarchés ou aux industriels agroalimentaires.
Un traité qui n’est pas encore entré en vigueur
Le Parlement européen l’a approuvé le 22 novembre 2023 à la majorité. Le Conseil, qui réunit les ministres des États membres, en a autorisé la ratification quelques jours plus tard, le 27 novembre 2023. Or pour qu’il entre en vigueur, la Nouvelle-Zélande doit aussi le ratifier. Dès que ce sera fait, le traité entrera en vigueur quelques semaines après.
Le texte, négocié depuis plusieurs années, fait l’objet de contestations notamment car il est considéré comme portant atteinte à l’environnement par l’intensification des importations et exportations de marchandises, et comme menaçant certains secteurs en Europe.
Comme c’est en général le cas dans les accords commerciaux, un volet protection des savoir-faire européens est prévu. Notamment, 163 indications géographiques européennes portant sur des denrées alimentaires, et l’intégralité de celles concernant les vins et spiritueux de l’UE, sont protégées. Ainsi, les appellations comme comté, féta ou champagne seront protégées contre les producteurs néo-zélandais tentés d’usurper ces appellations.
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