Le programme de Jean-Luc Mélenchon passé au crible
Auteur : Vincent Arnaud, juriste
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Relecteur : Alex Yousfi, juriste
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Loïc Héreng
Source : Les Surligneurs
Remis de son échec de l’élection présidentielle de 2017, le candidat La France Insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon et son double holographique, sont de retour sur le devant de la scène politique avec le programme L’Avenir en commun. Problème… Certains points de son programme suscitent de sérieuses difficultés d’application tant au regard de la Constitution que du droit de l’Union européenne.
Tout d’abord, Jean-Luc Mélenchon propose, pour assainir la vie politique et sanctionner plus sévèrement les infractions à la probité publique, de rendre inéligible à vie toute personne condamnée pour corruption. Formulée ainsi, sa proposition d’inéligibilité à vie serait doublement contraire à la Constitution : parce qu’elle est automatique et donc contraire au principe d’individualisation des peines, et parce qu’elle pourrait être jugée disproportionnée. Si la peine complémentaire d’inéligibilité existe déjà dans notre droit, la rendre systématique indépendamment des circonstances serait contraire à la Constitution.
Ensuite, Jean-Luc Mélenchon souhaite, pour des raisons de justice sociale et de partage des richesses, l’instauration, pour l’impôt sur les successions, d’une tranche d’imposition de 100% dès lors que le patrimoine hérité est supérieur à douze millions d’euros. Si d’aucuns savent, voire partagent, la volonté du candidat de lutter contre les inégalités de naissance, le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de juger qu’un taux d’imposition de 75% était confiscatoire et comme tel contraire à la Constitution.
Toujours dans la volonté d’imposer et de taxer davantage les riches pour assurer la redistribution des richesses, le candidat insoumis réitère sa promesse de 2017 de mettre en place un impôt universel pour les Français qui ont des revenus à l’étranger. Chaque citoyen français déclarerait les impôts payés dans un autre État et paierait éventuellement un complément en France. Appliquer cette mesure à l’égard des Français établis en dehors de l’Union européenne ne devrait pas poser de problèmes insurmontables à l’exception près, et non des moindres, qu’il faudrait dénoncer les quelques 120 conventions bilatérales de non double imposition établies entre la France et les différents pays, ouvrant la porte à une double imposition de résidents fiscaux ayant des activités dans plusieurs pays. En revanche, l’impôt universel ne saurait s’appliquer de façon généralisée aux citoyens français établis dans l’Union européenne, sans risquer de méconnaître les libertés de circulation au sein du marché intérieur, sauf à faire valoir les motifs légitimes de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.
Enfin, Jean-Luc Mélenchon a déclaré vouloir pratiquer l’opt out si l’Union européenne s’oppose à l’application de son programme. Au risque de doucher les espoirs suscités par cette proposition, l’opt out n’est pas un instrument permettant de se faire un menu à la carte parmi les règles européennes, de faire du “law shopping”. L’opt out est, au contraire, un instrument négocié avec les autres États membres, et il est assez difficilement concevable que ces derniers acceptent que la France s’exonère d’elle-même des règles de la concurrence (et fasse, par exemple, du protectionnisme) pendant qu’eux en subissent les conséquences économiques et sociales sans contrepartie. En vérité, il faudrait que tous les États membres donnent leur accord pour conclure un nouveau protocole qui permettrait l’opt out.
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