Le premier adjoint de la mairie de Marseille veut « interdire les cirques avec des animaux »

Création : 30 juillet 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

Source : NEONMAG, 28 juillet 2020

On l’a déjà dit lors des municipales : en l’état actuel du droit, les cirques avec ou sans animaux sauvages ont les mêmes droits dès lors qu’ils sont en règle par rapport aux règles sanitaires sur animaux sauvages maintenus en captivité. Il est contraire au principe d’égalité d’exclure toute autorisation à une activité légale, sans aucune raison d’intérêt général ou d’ordre public, au seul motif que cette activité est contraire à un programme politique.

Les cirques avec animaux sauvages disparaîtront peut-être bientôt face à une forme de pression populaire, mais juridiquement c’est autre chose : en l’état actuel du droit, on ne peut pas les interdire par arrêté municipal de police, comme le souhaite Benoît Payan, premier adjoint à la maire de Marseille, et comme nous l’avons déjà expliqué à propos de promesses aux élections municipales. Est-il dès lors possible, comme l’a fait Paris, de refuser systématiquement les autorisations de s’installer en ville pour ces cirques ? Cette piste est aussi très fragile.

Tout cirque, pour ériger son chapiteau, doit obtenir une autorisation d’occupation du domaine public car son installation revient à « privatiser » une partie de l’espace public pour y mener une activité commerciale ou autre : comme le restaurateur pour sa terrasse, le vendeur de journaux pour son kiosque, ou encore le marchand pour son emplacement, l’exploitant d’un cirque demande l’autorisation et l’obtient moyennant « redevance » (une sorte de loyer).

C’est la loi (code général des collectivités territoriales) : « le maire peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique et autres lieux publics, sous réserve que cette autorisation n’entraîne aucune gêne pour la circulation et la liberté du commerce ».

Les maires sont très libres de refuser ou d’accorder ces autorisations selon la conception qu’ils se font de l’espace public. Alors peuvent-ils refuser systématiquement les autorisations aux cirques avec animaux sauvages ? Non, car cela reviendrait à créer une nouvelle norme sans le dire, et surtout une discrimination illégale à l’encontre de certaines activités. Tout refus d’autorisation doit être fondé sur les lois et règlements, ou sur l’intérêt général : gène pour la circulation ou les riverains, danger quelconque, coût financier pour la commune, ou encore activité non conforme aux lois et règlements. Or à ce jour encore, même si cela pourrait changer, l’activité de cirque avec animaux sauvages est parfaitement légale dès lors que les règles relatives au traitement de ces animaux sont respectées (voir notre surlignage précédent).

En d’autres termes, lorsqu’un exploitant de cirque respecte ces normes et paye sa redevance, il a autant le droit qu’un autre exploitant d’ériger son chapiteau. C’est le principe d’égalité. Depuis toujours, le juge vérifie que la commune traite toutes les demandes d’autorisations de la même façon, dès lors que ces demandeurs exercent une activité analogue et que l’intérêt général y trouve son compte. Or on voit mal ce qui distingue, du moins au regard du droit actuel, le cirque avec animaux sauvages de celui sans. On peut même se demander s’il n’y a pas un détournement de pouvoir pour faire passer un programme politique (sur lequel au demeurant nous ne portons aucun jugement). Par comparaison, serait aussi illégale une décision consistant à refuser toute autorisation aux spectacles de rue dans lesquels des acteurs mangent de la viande….

Une commune ne peut donc refuser une autorisation par principe, au seul motif moral ou idéologique d’une souffrance animale supposée, à moins que cette souffrance soit prouvée, par exemple à la suite d’une inspection menée par les services de la mairie. Et dans ce cas le refus serait légal, puisque l’exploitant qui fait souffrir ses animaux ne serait pas en règle. Le maire pourrait même déposer une plainte pénale pour « acte de cruauté envers un animal » (code pénal, article 521-1).

Cela précisé, les groupes politiques concernés au Parlement peuvent tout à fait déposer une proposition de loi allant dans leur sens, puisque cela semble aussi être le sens de l’opinion publique. Et la question des autorisations ne se poserait plus. Contacté, Benoît Payan n’a pas répondu à nos questions.

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