Le Nouveau Front Populaire, s’il forme un gouvernement, reconnaîtra l’État de Palestine
Dernière modification : 26 juin 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteurs : Maria Castillo, maître de conférences en droit public à l’Université de Caen
Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Source : Programme du Nouveau Front Populaire
C’est le Président de la République qui est compétent pour reconnaître un État. Si un gouvernement de gauche est nommé, il ne pourra se substituer au chef de l’État pour procéder à la reconnaissance.
Le nouveau Front Populaire, la coalition des partis de gauche en vue des élections législatives anticipées, prévoit dans son programme, en cas de victoire, de reconnaître l’État de Palestine. Même si la gauche est majoritaire à l’Assemblée nationale et parvient à former un gouvernement, il lui sera compliqué de reconnaître un État sans l’aval du président de la République.
Comment un État reconnaît-il un autre État ?
Toute entité humaine comprenant une population, un territoire et un gouvernement peut prétendre accéder à la qualité d’État et faire des demandes dans ce sens. Libres aux États ensuite de reconnaître ou pas cet État. Il est donc important de préciser que la reconnaissance d’un nouvel État ne le crée pas, elle consiste simplement à en constater l’existence.
Aucun texte en France ne régit la reconnaissance d’un État en tant que telle. La reconnaissance est un acte discrétionnaire (c’est-à-dire sans contrôle du juge) que les États peuvent effectuer “au moment de leur choix, sous la forme qu’ils décident et librement” (Commission d’arbitrage de la Conférence pour la paix en Yougoslavie, avis n°10, 4 juillet 1992).
Il n’existe pas, en droit international, de règles particulières pour reconnaitre un État ; chaque sujet du droit international (les États et les Organisations internationales telles que l’ONU) a la capacité de reconnaître un État. Un refus de reconnaissance n’interdit pas à un État d’exister (la France ne reconnaît pas Taïwan par exemple, et plein d’États ne reconnaissent pas Israël), tout comme la seule reconnaissance ne suffit pas pour créer un État (cas, justement, de la Palestine). La reconnaissance témoigne néanmoins de la conviction des autorités de l’État qui reconnaît, que l’État reconnu “constitue une réalité” titulaire de droits et obligations au regard du droit international (Commission d’arbitrage de la Conférence de paix en Yougoslavie, avis n°8,4 juillet 1992).
Une reconnaissance expresse ou implicite
La reconnaissance peut se faire explicitement, par exemple à l’occasion d’une déclaration. Ainsi, en 2011, de nombreux États de la communauté internationale ont déclaré reconnaître l’accession à l’indépendance du Soudan sud. En France cette déclaration fut faite par le Président de la République Nicolas Sarkozy. La reconnaissance d’un État peut aussi se faire implicitement, par exemple en nouant des relations diplomatiques via l’envoi d’un ambassadeur dans cet État ou en concluant un accord.
Une prérogative du seul Président de la République
En France, le Président de la République est le chef de la diplomatie. En tant qu’il représente l’État, il est compétent pour accréditer les ambassadeurs (article 14 de la Constitution), ou encore négocier et ratifier les traités (article 52). Il a le monopole des décisions sur les relations internationales. Il est donc libre de reconnaître ou non un État. Une éventuelle majorité des partis de gauche à l’Assemblée nationale pourrait certes inviter à procéder à la reconnaissance, mais rien ne l’obligera à donner suite.
Si un gouvernement du nouveau Front Populaire est nommé au lendemain des élections et qu’un premier ministre issu de ces rangs est nommé, ce dernier ne sera donc pas l’autorité compétente pour reconnaître l’État de la Palestine.
À ce jour, le Président est toujours sur la même position : “la reconnaissance d’un État palestinien n’est pas tabou pour la France“(le Monde, 16 février 2024), tout en précisant le 6 juin 2024 que ce n’était “pas raisonnable de le faire maintenant“.
Cet article a été écrit à l’aide de la base de données Pluralisme.fr qui recense les discours de plus de 1400 personnalités politiques et publiques françaises.
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