Le ministère de l’Intérieur est-il compétent pour mettre fin à la protection des réfugiés syriens ?
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers
Relecteurs : Tania Racho, docteure en droit européen, chercheuse associée à l’IEDP, université Paris-Saclay
Jean-Paul Markus, professeur de droit public, université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste
Source : Compte X de l'AFP, le 9 décembre 2024
En France, il existe une administration indépendante en charge d’accorder ou de retirer l’asile aux réfugiés, le ministère de l’Intérieur n’est pas compétent pour prendre ces décisions.
La prise de Damas ces derniers jours par les rebelles islamistes a mis fin à près d’un demi-siècle de dictature du régime Al-Assad. En fuite depuis plusieurs décennies, 30 000 Syriens avaient obtenu l’asile en France.
La réaction des États européens ne s’est pas fait attendre. L’Autriche et l’Allemagne, entre autres, ont annoncé mettre fin au statut de réfugié des Syriens qui en jouissaient jusqu’alors. Le ministère de l’Intérieur français « travaillerait » à ce que la France prenne le même chemin. Mais cette annonce de Beauvau est problématique.
La compétence de l’Ofpra pour accorder et retirer l’asile
En France, la question des réfugiés est entre les mains des officiers de protection qui siègent à l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) et celles des juges à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
C’est l’Ofpra qui est compétent, en premier lieu, pour accorder l’asile à une personne lorsqu’elle remplit certaines conditions pour obtenir une protection internationale : soit le statut de réfugié, soit la protection subsidiaire. En cas de désaccord, un appel est possible devant la CNDA, puis devant le Conseil d’État.
De la même manière, c’est l’Ofpra qui décide du retrait de la protection d’une personne dans certaines situations, comme le changement de circonstances dans le pays d’origine (article L.511-8 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda)).
L’article L.121-7 du Ceseda fixe les missions de l’Ofpra et précise qu’il les exerce « en toute impartialité […] et ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction ».
Le ministre ne peut contourner l’Ofpra
Même s’il appartient au ministère de l’Intérieur de mettre en œuvre la politique de l’asile, il ne peut le faire, selon la loi, qu’en passant par l’organe administratif, mais indépendant, qu’est l’Ofpra ou par le juge de la CNDA, deux entités ne recevant pas d’instruction du ministère.
Il appartient donc à l’Ofpra seul d’examiner la situation nouvelle des réfugiés syriens, et de vérifier si, avec le nouveau gouvernement, ils peuvent toujours craindre pour leur sécurité en raison de leur opinion politique, leur ethnie ou encore leur orientation sexuelle.
Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.