Le maire sortant de Blainville-sur-Orne demande l’annulation de l’élection pour cause de Covid-19

Création : 31 mars 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteur : Romain Rambaud, professeur de droit public à l’Université de Grenoble

Source : France 3 Normandie, 28 mars 2020

Dans le cas de Blainville-sur-Orne, l’écart de voix, 19 seulement, est effectivement faible pour une commune de 5800 habitants. La baisse de participation est cependant équivalente à celle qui a pu être constatée ailleurs en France, et sauf preuve contraire le Covid-19 n’a pas affecté plus la campagne qu’ailleurs. Dès lors, le seul argument de l’abstention ne suffira pas sans doute pas à obtenir l’annulation de l’élection. Il faudrait lui associer d’autres arguments liés au déroulement de la campagne électorale ou des opérations électorales, prouvant qu’à Blainville-sur-Orne la sincérité du scrutin a pu être altérée, plus qu’ailleurs.

Battu au premier tour par 19 voix d’écart, le maire sortant de Blainville-sur-Orne (Calvados) et les membres de sa liste ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Caen. Ils pointent du doigt l’impact de l’épidémie de Covid-19 sur la sincérité du scrutin, au motif que le taux de participation aux élections municipales fut 42,91 % en 2020 contre 58,03 % en 2014 et 65,04 % en 2008. « Entre 2014 et 2020, ce sont 15 points de moins soit environ 600 électeurs qui se sont abstenus« , précise le communiqué du maire sortant.

La question de l’abstention liée à la crise du coronavirus sera sans doute soulevée dans de très nombreux contentieux électoraux à venir. Tant que le juge ne se sera pas prononcé, rien n’est certain, mais il est possible d’avancer certains éléments.

D’abord, il y a fort à parier que les juges prendront en considération le consensus politique qui a permis de sortir de la crise politique, en validant le premier tour par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (art. 19-I). Cette loi prévoit que « l’élection régulière des conseillers municipaux et communautaires (…) élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l’article 3 de la Constitution ». En elle-même, cette loi semble neutraliser l’argument fondé sur l’abstention.

Ensuite, la jurisprudence classique permet certaines annulations, mais dans des conditions très strictes. En tant que telle, l’abstention seule ne semble pas pouvoir conduire à l’annulation d’une élection selon le Conseil constitutionnel. Pour qu’il y ait annulation de l’élection, il faut une circonstance exceptionnelle, telle que des perturbations climatiques par exemple : dans ce cas, qui s’est posé, le juge vérifie si ces circonstances ont pu affecter un candidat plutôt qu’un autre, mais il n’annule pas l’élection lorsque tous les candidats ont été affectés de la même manière par les intempéries.

Le juge réserve aussi les cas où l’abstention serait beaucoup plus forte que d’habitude et pourrait donc modifier les résultats. Ainsi, il faudrait, pour obtenir l’annulation, non seulement une abstention anormalement importante, un écart de voix faible entre les candidats, mais aussi la preuve que le Covid-19 a pu avoir un impact sur le déroulement de la campagne électorale (par exemple, le confinement d’un candidat, l’annulation de meetings importants) ou des opérations électorales (par exemple, des files d’attente trop longues, des électeurs dont on peut établir qu’ils ont été dissuadés de voter).

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