Le maire de Champigny-sur-Marne, Christian Fautré, souhaite que sa commune contribue à une « caisse de solidarité pour grévistes » et un « fonds de solidarité pour les familles campinoises touchées financièrement par la grève »

Création : 28 janvier 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteurs : Corentin Pirat et Lucie Cazottes, étudiants à Sciences Po Saint-Germain, sous la direction de Camille Morio, maîtresse de conférences en droit public à Science Po Saint-Germain

Source : Le Parisien, 16 janvier 2020

En accordant une subvention à une caisse de grève tenue par les syndicats ou les grévistes eux-mêmes, le maire commet une illégalité par une violation du principe de neutralité. Mais en accordant des aides aux familles de grévistes qui sont mises en difficulté, le maire intervient au nom de la solidarité, qui répond à un intérêt public local et le juge n’y voit pas d’illégalité.

Le jeudi 16 janvier 2020, lors de sa cérémonie de voeux, Christian Fautré, maire de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), a annoncé qu’il soumettra au vote, lors du prochain conseil municipal, une « contribution de la ville à une caisse de solidarité pour grévistes » et la constitution d’un « fonds de solidarité pour les familles campinoises touchées financièrement par la grève ». Ce fonds serait en fait une aide exceptionnelle octroyée par le Centre communal d’action sociale (CCAS). De son propre aveu, ces aides tiennent du soutien au mouvement social contre la réforme des retraites. Cela fait deux types d’aides, que le juge ne regarde pas de la même manière.

La subvention d’une commune à une caisse de grève est en effet systématiquement annulée par le juge administratif, généralement sur déféré préfectoral (c’est-à-dire le préfet qui saisit le juge administratif d’une demande d’annulation). Le Conseil d’État a plusieurs fois annulé ce type de délibérations municipales. C’est le cas dans la décision Commune d’Aigues Mortes (1985), commune qui avait accordé une subvention à un syndicat à l’origine d’un mouvement social dans une entreprise locale. C’est le cas également dans la décision Commune de Gardanne (1989), commune qui avait souhaité subventionner la grève des cheminots. Le juge administratif considère que le conseil municipal n’a pas à prendre partie dans un conflit social et qu’il ne doit pas agir pour un motif politique. C’est le principe de neutralité des collectivités publiques, qui est constitutionnel.

À l’inverse, les aides aux familles de grévistes ne sont pas illégales. En effet, la commune agit dans ce cadre au nom du principe de solidarité, afin que les familles de grévistes ne soient pas trop impactées par le mouvement social. Par ce biais, le conseil municipal ne s’immisce pas dans le conflit social, et n’agit donc pas à des fins politiques. Il agit plutôt au nom de l’intérêt public local, seule boussole de l’action du conseil municipal comme le rappelle le code général des collectivités territoriales.

C’est une jurisprudence qui est bien établie, comme le souligne la professeure Roseline Letteron sur son blog. La jurisprudence  fait en effet la distinction entre les deux dans une décision du Conseil d’État de 1985. Dans cette décision, le Conseil d’État annule la subvention de la commune au comité régional de la SNCF mais valide la gratuité de la cantine accordée aux enfants de cheminots grévistes, en tant qu’action à des fins sociales.

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